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Page:Sue - Les Fils de famille (1856).djvu/269

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L

D’Otremont et madame de Hansfeld savaient trop le monde pour ne pas laisser au candide provincial le temps de savourer à loisir son heureuse déconvenue, car il ne pouvait encore trouver une parole pour exprimer à tous deux sa gratitude. Aussi Antoinette se hâta-t-elle d’ajouter :

— Cher monsieur Maurice, nous nous entretiendrons tout à l’heure de l’objet de la lettre que j’ai eu le plaisir de vous écrire, et à laquelle je dois votre aimable visite ; permettez-moi, en attendant, de vous nommer à M. d’Otremont, puisque sa courtoisie a devancé votre présentation officielle, — ajouta en souriant madame de Hansfeld.

Puis, s’adressant à Richard, qui s’inclina devant le jeune montagnard :

— Je vous présente M. Maurice Dumirail ; il est le fils de l’un des plus grands et des plus riches propriétaires du Jura, et il a les titres les plus particuliers à mon amitié et à la bienveillance de mes amis.

Maurice, abasourdi d’apprendre qu’il possédait des titres particuliers à l’amitié de la baronne de Hansfeld, surmonta cependant son embarras, et reprit d’une voix émue :

— Madame et vous, monsieur, voudrez bien m’excuser si j’exprime mal ma reconnaissance pour un accueil auquel j’étais si loin de m’attendre.

Et Maurice, offrant sa robuste main à Richard, lui dit, avec un accent de confiance et de loyauté si candide, que son nouvel ami en fut touché :

— Laissez-moi, monsieur, vous serrer la main ; c’est de bon cœur et de tout cœur…

— Et c’est aussi de bon cœur et de tout cœur, monsieur, que je vous serre la main, — répondit Richard, se disant à part soi : — Jamais je n’aurai la barbarie de tuer cet hercule ingénu ; c’est un enfant, ce serait pitié !…