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Page:Sue - Les Fils de famille (1856).djvu/270

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— Et moi, j’affirme que tu le tueras ! — se disait aussi à part soi madame de Hansfeld, remarquant l’expression compatissante des traits de Richard et pénétrant le secret de sa pensée.

Puis elle reprit tout haut :

— Puisque vous voici en excellents termes avec M. d’Otremont, cher Maurice, il se fera un plaisir de vous faire recevoir au club dont il est membre ; c’est la réunion des hommes les plus distingués de Paris… Je vous dirai tout à l’heure, lorsque nous serons seuls, pour quelle raison très-sérieuse je veux que vous soyez admis à ce club. J’ai dit : « Je veux, » ajouta madame de Hansfeld en souriant. — Il doit vous sembler très-surprenant que je me permette de vous dicter ainsi mes volontés ?

— Madame…

— Vous croyez m’être absolument inconnu, mon cher monsieur Maurice ; il n’en est rien.

— Quoi ! madame ?…

— Avouez que je vous étonnerais fort si je vous parlais avec beaucoup de détails de votre domaine du Morillon, de votre chalet de Treserve… et surtout de votre adorable fiancée, mademoiselle Jeane ?

— Comment, madame, vous savez ?

Maurice ne put achever, suffoqué de stupeur. Il croyait rêver en entendant madame de Hansfeld lui parler du Morillon et de Jeane.

— Je veux donc, dis-je, — reprit Antoinette, — en raison de l’intérêt que je vous porte, vous voir admis au club de M. d’Otremont.

— Madame, — répondit Maurice avec embarras, — inconnu ainsi que je le suis, je n’ose prétendre à une pareille faveur… Puis… je ne sais si mes parents…

— Oh ! rassurez-vous, monsieur, — repartit Richard, — je suis président du comité d’admission, sur lequel j’exerce une certaine influence… et si, après-demain, vous voulez accepter sans façon à souper à la Maison-d’Or, avec mes amis du comité, j’aurai l’honneur de vous présenter à eux : ils vous accueilleront comme vous méritez de l’être, monsieur, et, lorsqu’ils auront le plaisir de vous connaître, votre admission au club sera chose faite.

— Je ne sais, en vérité, comment vous remercier, monsieur, de votre obligeance, — répondit Maurice ; — mais, je l’avoue, nouveau venu que je suis à Paris, je crains de paraître déplacé parmi tant de gens élégants.

— Un homme comme vous, monsieur Dumirail, n’est déplacé nulle part, — dit madame de Hansfeld d’un ton pénétré. — Le