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Page:Sue - Les Fils de famille (1856).djvu/283

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rées, vous viendrez dîner avec moi en excellente compagnie, et nous irons ensemble à l’Opéra ou aux Italiens. Je compte aussi sur quelques visites de vous, lorsque le temps ne vous permettra pas de monter à cheval. Tel est, en somme, sauf quelques menus détails de circonstance, mon programme, cher Maurice… L’acceptez-vous ?

— Avec bonheur ! Oh ! cette vie ainsi partagée entre ma fiancée, ma mère et vous, ma sœur… cette vie tour à tour occupée par l’étude et par des distractions, des plaisirs de bon goût, n’est-ce pas l’idéal du bonheur ? et ce bonheur, c’est à vos conseils que je le devrai !

L’un des valets de chambre de madame de Hansfeld entra dans le boudoir après avoir discrètement frappé, et annonça :

— La voiture de madame la baronne.

Cela dit, le serviteur disparut.

— Déjà cinq heures !… est-ce croyable ? — dit Antoinette ; — avec quelle rapidité le temps se passe près de vous, mon cher Maurice !

— Je vous laisse, — dit l’ingénu se levant ; — vous allez sortir ?

— Je le devais ; mais, toute réflexion faite, je ne sortirai pas.

— Pourquoi cela, de grâce ?

— Je préfère rester ici seule, me souvenir et rêver, — répondit madame de Hansfeld en lançant à Maurice un regard noyé de voluptueuse langueur.

Puis, ensuite d’un moment de silence :

— Maurice, je vous attends demain à deux heures ; ma porte sera fermée à tout le monde : nous serons seuls, et j’ai encore tant de choses, tant de choses à vous dire ! Vous viendrez, n’est-ce pas, mon ami ?

— Pouvez-vous en douter ?

— Ah !… j’oubliais une recommandation ; madame votre mère a sans doute lu mon billet de ce matin ?

— Oui, elle l’a lu…

— Elle vous demandera naturellement quelle espèce de communication j’avais à vous faire, Maurice. Vous lui répondrez qu’ayant entendu dire que monsieur votre père désirait vendre son domaine du Morillon, je désirerais l’acheter.

— Parfaitement, et ce prétexte…

— Ce n’est nullement un prétexte, mon ami, c’est la vérité.

— Quoi !… réellement… vous songeriez à… ?

— À acquérir ce domaine, cette maison où votre enfance et votre première jeunesse se sont écoulées ? Oui, Maurice, je songe