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Page:Sue - Les Fils de famille (1856).djvu/286

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LIII

Maurice, à l’accent de la voix de madame de Hansfeld, voix qui semblait palpiter d’émotion et d’amour contenu, Maurice ouvrit les yeux et contempla sa tentatrice plongée dans une muette extase ; son esprit, un moment obscurci, redevenait lucide, et avec lui sa mémoire.

Non, ce c’était point un songe : quelques minutes auparavant, il avait entendu cette femme enchanteresse lui prodiguer des aveux passionnés, délirants, à lui, qu’elle voyait pour la première fois !

Non, ce n’était point un songe : le dernier écho de ces aveux enivrants vibrait encore dans son cœur. Cette femme, jeune, riche, élégante, titrée, belle à éblouir, l’avait dit avec un accent de regret navrant : elle ne se croyait pas digne de lui plaire, à lui, Maurice, le rustique provincial, débarqué de la veille à Paris ; il allait tourner la tête de toutes les femmes, et, pour elles, peut-être oublier Jeane, sa fiancée !

Mais cet amour soudain, violent, irrésistible, qui l’avait fait naître dans le cœur de la baronne de Hansfeld ? Comment avait-elle été instruite de la récente arrivée de Maurice à Paris ? Comment avait-elle pu découvrir sa demeure ? Comment, enfin, possédait-elle depuis longtemps une connaissance si approfondie, si vraie de son caractère et de ses sentiments, à lui, qu’à leur aide, elle s’était efforcée de se le représenter en personne ? Vainement il cherchait à pénétrer ce mystère, mais déjà se glissaient dans son cœur les enivrements de l’orgueil. Il se savait aimé de madame de Hansfeld ; elle lui prédisait des succès étourdissants : comment ne l’eût-il pas cru, le pauvre ingénu ? À peine à Paris depuis la veille, il voyait se jeter à sa tête (que l’on nous pardonne cette vulgarité) une femme qui, par sa rare beauté, son charme séducteur et son esprit, pouvait et devait passionner des hommes du goût le plus difficile. Maurice se crut donc adoré ; mais, dans