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Page:Sue - Les Fils de famille (1856).djvu/3

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LES
FILS DE FAMILLE

PREMIÈRE PARTIE

I


On voyait, vers le milieu de l’année 1840, sur l’un des versants du Jura, non loin des frontières du canton de Genève, une modeste maison de paysan. Isolée d’un village assez considérable, cette demeure, à demi cachée par quelques noyers gigantesques, conservait l’apparence rustique qu’elle devait à ses premiers propriétaires : bâtisse de pierres de roche reliées par un ciment grossier ; toiture de tuiles moussues, à pans très-inclinés, qui, se prolongeant de quelques pieds au delà de l’aplomb des murailles, formaient ainsi, sur deux faces du logis, une sorte de galerie couverte et extérieure, soutenue par des piliers où s’enroulaient de vieux ceps de vigne ; un mur de pierres sèches, à hauteur d’appui, maintenait les terres du jardinet, clos d’une haie d’aubépine et disposé en plates-bandes de divers légumes alors en pleine végétation ; des touffes de rosiers des quatre saisons, seule espèce jadis connue en ces lieux agrestes, formaient des buissons fleuris à l’angle des carrés de plantes potagères, entourés de vieux arbres fruitiers taillés en quenouille. Une douzaine de poules picoraient dans le jardin, divisé en deux parties égales par une allée bordée de buis conduisant à la maison, composée d’un rez-de-chaussée surmonté d’un grenier.

On entrait d’abord dans une cuisine, dont les ustensiles peu