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Page:Sue - Les Fils de famille (1856).djvu/304

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L’un des domestiques de l’hôtel entra, et dit à madame Dumirail :

— Madame avait commandé son dîner à cinq heures, il en est six. Peut-on servir ?

— Pas encore, attendez le retour de mon fils, — répondit madame Dumirail au domestique, qui sortit.


LVIII

Madame Dumirail, après la sortie du domestique, dit à sa nièce avec l’accent d’une légère inquiétude :

— Mon Dieu ! comme Maurice tarde à rentrer ! voilà plus de trois grandes heures qu’il est parti. Il se peut, du reste, que, ne connaissant pas Paris, il se soit égaré.

— Vous oubliez, ma tante, qu’il est sorti en fiacre.

— C’est vrai. Il faut alors qu’on lui ait fait faire longtemps antichambre chez cette madame la baronne de… de…

— De Hansfeld, — reprit Jeane d’un ton brusque et en rougissant ; — elle s’appelle madame de Hansfeld.

— Comment as-tu retenu si facilement ce nom étranger, chère Jeane ?

— Je l’ai retenu parce qu’il m’a frappée autant peut-être que m’a frappée l’inconcevable démarche de cette dame, — ajouta la jeune fille non sans une sorte d’amertume ; — car elle a écrit avec une singulière familiarité à un jeune homme qu’elle n’a jamais vu.

— Il n’y avait rien, ce me semble, de trop familier dans la lettre de cette dame, mon enfant ; elle priait simplement Maurice de passer chez elle pour lui faire une communication relative à des intérêts de famille.

— Soit ! — répondit Jeane sèchement. — Je me trompe. Cette personne, l’une des femmes les plus riches, les plus élégantes de Paris, selon ce que dit son domestique, doit mieux que moi, pauvre fille de province, connaître les usages du grand monde.