— Jeane, ta réponse est contrainte, tu ne dis pas toute ta pensée.
— Ma tante…
— Chère enfant, n’avons-nous pas besoin de nous ouvrir en toute sincérité l’une à l’autre ? Est-ce que notre devoir, notre but ne sont pas les mêmes, à moi, la mère de Maurice, à toi qui seras sa femme ? N’est-ce pas à nous deux de veiller sur lui, de nous concerter, de nous entr’aider pour cela ? Or, comment réussir, mon enfant, si nous manquons de confiance l’une envers l’autre ?
— Chère et bonne tante, — reprit Jeane attendrie, — excusez un moment de vivacité, je souffre…
— Que veux-tu dire ?
— Depuis tantôt je suis assaillie de pressentiments absurdes, insensés… mais plus forts que ma raison ; contre eux, je lutte en vain ; ils augmentent d’heure en heure, de minute en minute.
— De ces pressentiments, pauvre enfant, quel est donc l’objet ?
— Cette dame… la baronne de Hansfeld.
— Explique-toi.
— Tout me paraît extraordinaire dans sa démarche.
— Mais encore ?
— D’abord, ma tante, comment cette dame a-t-elle su notre adresse, à nous si inconnus à Paris ?
— Je l’avoue, je n’avais point songé à cela.
— Ensuite, s’il s’agit réellement d’affaires de famille, n’est-ce pas à vous, en l’absence de mon oncle, que cette dame devait s’adresser, au lieu de mander près d’elle Maurice, lui… presque un enfant ?
— C’est encore vrai ! Cela maintenant me fait réfléchir… et mon fils ne revient pas ; il m’avait promis de rentrer avant quatre heures.
— Et voilà qu’il est bientôt six heures et demie. Dites, ma tante, que penser… s’il est resté tout ce temps-là chez cette dame ?
— Mon Dieu, Jeane, tu m’effrayes ! J’avais aussi vaguement l’instinct de l’étrangeté de la démarche de cette personne, puisque d’abord je voulais accompagner Maurice jusqu’à la porte de l’hôtel de cette baronne. Elle est, dit-on, l’une des femmes les plus élégantes de Paris ; donc, elle doit être jeune et belle, ce me semble…
— Hélas ! oui, ma tante… et je…
Mais Jeane s’interrompit et cacha son visage entre ses mains. Madame Dumirail, inquiète, reprit :