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Page:Sue - Les Fils de famille (1856).djvu/314

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— Je n’en doutais pas, mon enfant, et…

— Pardon, laisse-moi achever. Je comprends la nécessité de l’étude ; aussi je suis, ainsi que tu me le conseilles, résolu à me lever dès cinq heures du matin, afin de travailler jusqu’au moment d’aller au ministère des affaires étrangères, où je resterai jusqu’à quatre heures. C’est seulement à partir de ce moment de la journée que je diffère avec toi sur quelques points, quant à l’emploi du reste de mon temps.

— Explique-toi, mon ami ; nous ne pouvons manquer de tomber d’accord.

— J’en suis convaincu d’avance, ma bonne mère ; aussi vais-je te parler en toute sincérité. J’ai bientôt vingt et un ans, tu es trop juste pour ne pas convenir qu’à mon âge, lorsqu’on a travaillé depuis cinq heures du matin jusqu’à quatre heures de l’après-midi, l’on a besoin de quelques distractions ?

— Certes, mon pauvre enfant ; aussi ai-je été la première à te dire que, chaque jour, lorsque le temps le permettra…

— Nous ferons une promenade avec toi et Jeane, c’est fort bien… mais…

— Oh ! ce n’est pas tout ! Mon cher enfant, j’ai autant que toi souci de tes plaisirs et de tes distractions ; ainsi, par exemple, tu es habitué presque depuis l’enfance au violent exercice de la chasse ou à des excursions dans nos montagnes ; il serait donc très-nuisible à ta santé de rester trop sédentaire ; aussi, mon ami, et, ma foi ! tant pis pour le droit international, tes distractions et ta santé passent avant tout !… Tu feras, deux ou trois fois par semaine, de cinq à neuf heures du matin, une longue promenade hors des murs de Paris.

— Tu m’avoueras cependant, ma bonne mère, qu’une promenade matinale, hors des murs de Paris, ne peut pas être absolument considérée comme un plaisir… Je t’en fais juge, ma chère Jeane.

— Excuse-moi, Maurice, je serais en cela mauvais juge, car il me semble, à moi, qu’une longue promenade du matin, occupée par une douce pensée, est mieux encore qu’un plaisir…

— Je suis loin, chère Jeanne, de nier le charme d’une promenade tête à tête avec une douce pensée, lorsque l’on parcourt nos vallons, nos montagnes du Jura… mais lorsqu’on est réduit à arpenter ces plaines monotones, dont l’aspect nous a si fort attristés lorsque nous sommes arrivés aux environs de Paris, tu conviendras que…

— Oh ! j’en conviens, — reprit Jeane avec amertume ; —