Aller au contenu

Page:Sue - Les Fils de famille (1856).djvu/313

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

vous n’aviez qu’à développer ses excellentes qualités natives, jusqu’à ce qu’il fût homme fait et complétement affermi dans le bien, rien autour de vous ne pouvant éveiller, solliciter ses mauvais instincts, et engager une lutte entre ses devoirs et ses passions, lutte funeste, parce qu’il est d’un caractère ardent et faible.

« Mais, à Paris, l’expérience vous fera complétement défaut. Trop raisonnables, trop fermes, trop avancés en âge pour céder aux mille enivrements de la grande ville, vous attendrez la même imperturbable sagesse de la part de Maurice ; vous ne tiendrez compte ni de ses vingt ans, ni de son organisation physique, ni de la nature de son caractère, ni de l’irrésistible puissance des tentations qu’il devra subir à chaque pas.

« Vous exigerez de votre fils, et cela dans d’excellentes intentions dictées par votre tendresse, vous exigerez, dis-je, de votre fils, des renoncements au-dessus de ses forces ; vous lui demanderez de fermer les yeux et les oreilles aux séductions de toutes sortes dont il sera entouré, parce que ces séductions vous trouveront sourds et aveugles.

« Il vous accusera d’égoïsme, de dureté ; vous lui reprocherez son dérèglement.

« La froideur, la discorde se glisseront entre vous et lui, et un jour, il vous échappera… Cela est fatal !…

« Ah ! prenez garde !… L’atmosphère de Paris est presque toujours mortelle aux caractères impétueux et faibles, lorsqu’ils ne sont pas soutenus, maintenus, guidés par un mentor doué d’une expérience consommée dans la pratique des hommes et des choses… Et vous qui devez le guider à travers tant d’écueils, vous n’avez jamais, non plus que lui, quitté vos montagnes !… »


LXI

Maurice, ensuite de l’exposition du programme de sa mère, se recueillit pendant un instant, et reprit en souriant :

— Bonne et chère mère, je ne trouve rien absolument à reprendre dans la manière dont tu distribues mes journées.