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Page:Sue - Les Fils de famille (1856).djvu/316

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sant à lui avec l’accent d’une sérieuse et ferme tendresse :

— Mon cher enfant, parlons raison. Tu connais les habitudes d’ordre, d’économie dont ton père et moi ne nous sommes jamais départis et ne nous départirons jamais ; nous ne t’avons rien refusé, nous ne te refuserons rien, dans la limite du juste et du possible, bien entendu… Seulement, réfléchis à ceci : notre voyage et notre séjour à Paris, tout cela a été, est et sera fort dispendieux. Je n’ai amené qu’une servante ; nous sommes descendus dans un modeste hôtel, et je suis vraiment effrayée quand je pense que nous dépensons, pour nous trois et Josette, près de quarante francs par jour. Tu entends, mon ami, quarante francs par jour ! et cela seulement pour la table et le logement, sans compter les autres frais ; de sorte que, lorsque ton père nous aura rejoints ici, je suis certaine que nous dépenserons, y compris notre entretien et le reste, cinquante à soixante francs par jour. Or, sais-tu, mon pauvre enfant, combien cela fait à la fin du mois, soixante francs par jour ?… Cela fait plus de dix-huit cents francs par mois ! C’est énorme ! Et quand je pense qu’au Morillon, où nous vivions très-largement, avec plusieurs domestiques, la dépense mensuelle de la maison ne s’élevait jamais au-dessus de six à sept cents francs ! Ainsi donc, mon cher enfant, tu as trop de bon sens, trop de cœur, pour ne pas reconnaître la nécessité où nous sommes de vivre à Paris avec la plus sévère économie. Il va sans dire que nous ne retrancherons rien des cent francs par mois que ton père t’alloue pour tes menus plaisirs. Cette somme, dont tu ne trouvais pas l’emploi au Morillon, tu me l’as souvent dit toi-même, te sera plus que suffisante à Paris ; c’est un sacrifice que nous nous imposons, vu l’énorme accroissement de nos dépenses. Mais enfin, mon ami, nous voulons que rien ne te manque, rien, pas même le superflu, puisqu’en outre de cette somme destinée à tes menus plaisirs, tu seras défrayé de tout. J’ai déjà, tu le sais, demandé à notre hôtelier, non pas un tailleur à la mode, mais un tailleur qui donne du beau et surtout du solide. J’irai demain acheter de très-belle toile pour te confectionner, avec l’aide de Jeane et de Josette, une douzaine de chemises fines. Je ferai, enfin, tout ce qui dépendra humainement de moi, afin que tu n’aies rien à désirer, mais toujours dans les limites du raisonnable, car, mon cher enfant, persuade-toi bien de ceci : c’est que nous devons, je le répète, vivre à Paris avec une rigoureuse économie. Laissons donc à ceux-là qui sont assez riches pour se permettre ce luxe, l’Opéra, les Italiens, les promenades à cheval aux Champs-Élysées. Quant à nous, cherchons nos distractions, nos plaisirs dans notre douce intimité, et,