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Page:Sue - Les Fils de famille (1856).djvu/317

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grâce à Dieu, en cela du moins, mes enfants, nous pourrons nous croire encore dans notre chère retraite du Morillon.


LXII

Maurice avait écouté madame Dumirail avec une attention morne et un profond découragement ; il ne songea même pas à tenter de discuter les raisons dont sa mère appuyait les nécessités de cette sévère économie qu’il taxait d’exagérée, presque de sordide, depuis qu’il connaissait le chiffre de la fortune paternelle. Avant cette découverte, et surtout avant son entrevue avec madame de Hansfeld, il aurait peut-être reconnu la justesse des observations de sa mère, justes à son point de vue de bonne et prévoyante ménagère, mais incapable de comprendre, par cela qu’elle ne pouvait le ressentir (ainsi que l’avait dit Charles Delmare), le danger des irrésistibles tentations offertes par la vie de Paris.

Maurice était sincèrement résolu d’annuler cet emprunt que, de bonne foi, il aurait encore regardé comme conditionnel, s’il eût entrevu la possibilité d’obtenir quelques concessions de la part de sa mère ; mais quelle entente possible avec elle, qui voyait presque du superflu dans ces cent francs accordés chaque mois à Maurice pour ses menus plaisirs, et lui, qui voyait presque le nécessaire dans ce valet de chambre, ce groom, ce palefrenier, ces deux chevaux de selle, cette mise élégante due au concours des fournisseurs les plus en vogue de Paris.

Le malheureux enfant éprouva, pour la première fois de sa vie, de mauvais ressentiments contre son père et sa mère, jusqu’alors l’objet de son idolâtrie : il les accusa d’égoïsme, de dureté, d’avarice, eux qui, après tout (son père du moins), avaient insisté pour qu’il vînt à Paris, et qui, possesseurs d’une fortune de plus de quinze cent mille francs, lui refusaient ce à quoi, en toute conscience, il croyait avoir droit. Combien madame de Hansfeld lui semblait être davantage dans le vrai en lui préconisant le travail, l’affection, la déférence pour ses parents, l’éloignement des plaisirs