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Page:Sue - Les Fils de famille (1856).djvu/318

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vulgaires ou dégradants, mais réclamant pour lui la satisfaction de ses désirs légitimes et honorables. Aussi, même sans parler de l’attrait sensuel sur lequel il s’efforçait encore de se faire illusion, Maurice se sentait rapproché de madame de Hansfeld de toute la distance qui le séparait des projets de sa mère ; il résolut donc de ne pas annuler son emprunt usuraire, se félicitant, au contraire, de l’avoir contracté, rejetant sur l’aveugle lésinerie de ses parents la faute qu’il avait commise et celles de la même nature qu’il pourrait encore commettre. Il se sentait enfin de plus en plus aigri contre Jeane, qui, non-seulement par ses allusions sardoniques et jalouses à l’adresse de madame de Hansfeld, mais par son approbation très-expressive, quoique muette, à l’exposé des principes économiques de sa tante, avait de plus en plus indisposé contre elle son fiancé.

Hélas ! la jeune fille était justement ulcérée de voir Maurice chercher déjà ses plaisirs en dehors de la douce intimité de leur amour, de le voir manquer du courage dont elle se sentait capable, le courage de résister à l’entraînement des séductions de Paris. Elle aussi avait, la veille, amèrement envié ce luxe déployé à leurs yeux lors de leur promenade aux Champs-Élysées ; mais, trouvant la force du renoncement dans la sincérité de son amour, elle aurait oublié ces privations relatives, si elle eût trouvé son fiancé résolu, comme elle, à s’absorber, à concentrer leur vie dans la plénitude de leur amour, et à échapper ainsi l’un par l’autre aux séductions du dehors. Mais il subissait déjà la pernicieuse influence d’une femme que Jeane considérait comme sa rivale, et qu’elle haïssait de toutes les tortures de la jalousie dont elle éprouvait, pour la première fois, les terribles atteintes.

Un moment de silence suivit ces dernières paroles de madame Dumirail.

— Cherchons nos distractions, nos plaisirs, dans notre douce intimité à tous trois, et, grâce à Dieu, et en cela du moins, mes enfants, nous pourrons encore nous croire dans notre chère retraite du Morillon.

Maurice, abattu, plongé dans les réflexions que nous avons exposées, ne répondit rien ; mais Jeane, devinant la cause du silence qu’il gardait, reprit avec amertume :

— Comment croire, chère tante, que Maurice puisse chercher ailleurs que dans notre intimité ses distractions et ses plaisirs ? Il nous aimerait donc moins que nous ne l’aimons ? Il se détacherait donc déjà de nous ? L’affection de sa mère, de sa fiancée ne lui suffirait donc déjà plus ? Son séjour à Paris aurait donc soudain