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Page:Sue - Les Fils de famille (1856).djvu/330

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Ces paroles, échappées aux maternelles alarmes de madame Dumirail, firent bondir Maurice. Il allait peut-être manquer de respect à sa mère, s’il n’eût entendu les marchands, furieux de l’accusation portée contre eux par la mère du jeune provincial, éclater contre elle en récriminations injurieuses.

— Nous traiter de voleurs !

— Il paraît que c’est de la politesse à la mode de province.

— A-t-on vu cette vieille avare ! — s’écria M. Moïse, — cette vieille folle !

Maurice, malgré son irritation contre sa mère, fut révolté de la grossièreté du marchand de chevaux, et, d’un geste menaçant, lui indiquant la porte :

— Sortez, monsieur, sortez à l’instant… J’irai chez vous, afin de vous indemniser.

— À la bonne heure ! sinon, en avant l’assignation ! — reprit M. Moïse.

Et, s’adressant aux fournisseurs, qui s’empressaient de sortir après avoir remballé leurs marchandises :

— Eh bien ! mes très-chers, en voilà de drôles de pratiques !… Décidément, il paraît que maman ne veut pas que nous montions à dada.

— Messieurs, — reprit Maurice écrasé de confusion et s’adressant tout bas à ceux des fournisseurs qui s’éloignaient les derniers, — je suis désolé de ce qui vient d’arriver… Je vous prie de me laisser vos adresses, je passerai tantôt chez vous…

— Ma foi, monsieur, bien obligé de la préférence ! Votre mère nous a dit que vous étiez hors d’état de nous payer ; nous nous souviendrons de l’avertissement… — répondit le marchand en sortant sur les pas de ses confrères et échangeant avec eux, en descendant l’escalier, des quolibets et de bruyants éclats de rire qui exaspérèrent Maurice.

Son valet de chambre, Simon, demeurait impassible dans un coin de la chambre, lorsque madame Dumirail, l’avisant :

— Qui êtes-vous ?… Pourquoi restez-vous là ?

— J’ai l’honneur d’être au service de monsieur.

Et Simon fit un profond salut en s’inclinant du côté de Maurice.

— J’attends les ordres de monsieur.

— Allez-vous-en et ne revenez plus, — répondit brusquement madame Dumirail ; — mon fils n’a point besoin de domestique… notre servante Josette nous suffit.

— Puisque mademoiselle Josette suffit au service de madame et de monsieur, j’ai l’honneur de présenter à madame et à mon-