DEUXIÈME PARTIE
I
San-Privato, observant attentivement Jeane, lui dit, après le départ de madame Dumirail :
— Vous devez être bien affligée d’apprendre que ce M. Delmare, pour qui vous aviez tant d’affection et de confiance, est le meurtrier de votre père ?
— Si j’avais connu mon père, ce n’est pas seulement l’invincible éloignement que doit maintenant m’inspirer M. Delmare que je ressentirais pour lui, ce serait de l’horreur, — répondit Jeane pensive. — Il fut un temps où la rupture de mes relations avec M. Delmare m’eût été très-pénible ; mais, au risque de paraître ingrate, je l’avoue, cette rupture me laisse aujourd’hui presque indifférente.
— D’où vient ce changement, chère cousine ?
— Peut-être de ce que je ne partage plus l’aversion dont vous poursuivait M. Delmare.
— Vraiment ?
— Oui, ce qui, autrefois, en vous me déplaisait, Albert, me plaît maintenant.
— Fi ! la moqueuse !
— Je suis sincère.
— Voulez-vous me forcer de vous rappeler vos dédains altiers, vos sarcasmes sanglants ?