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Page:Sue - Les Fils de famille (1856).djvu/401

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sion, selon ce que tu m’as raconté, était pour cette ingrate un prétexte de nous quitter, afin d’aller habiter avec ma sœur et son fils… Je me rappelle maintenant la jalousie de Maurice au sujet d’Albert lors de l’arrivée de celui-ci au Morillon… et, je le reconnais maintenant, elle n’était que trop motivée dès cette époque. Enfin, ces projets de mariage sont rompus, Dieu merci ! Mademoiselle Jeane a voulu se retirer chez ma sœur, soit ; qui se ressemble s’assemble. Que mademoiselle Jeane reste là où elle est. Je lui payerai, jusqu’à sa majorité, le revenu de ses trente mille francs, après quoi je les lui remettrai ; ils constitueront sa dot, une belle dot, en vérité !… Mais je ne veux plus entendre parler de cette ingrate ! Maintenant, chère Julie, je veux te prouver que tu t’exagères énormément ce qu’il y a, du reste, de répréhensible, je le reconnais, dans la conduite de notre fils.

— Je crois cependant, mon ami, ne rien exagérer.

— Voyons, chère amie, résumons en peu de mots tes griefs contre Maurice. Loin de moi la pensée de vouloir les atténuer ; je veux seulement les apprécier à leur juste valeur. Ainsi, notre fils, mandé sous un prétexte quelconque chez une très-jeune et très-belle dame, fort riche et baronne, serait devenu soudain amoureux d’elle.

— Hélas ! oui… Il est parti d’ici à trois heures, il est rentré à près de sept heures… et, en si peu de temps, ce malheureux enfant avait déjà subi la pernicieuse influence de cette femme, et il nous revenait moralement méconnaissable.

— Ma pauvre amie, au risque de t’effaroucher un peu, je t’avouerai qu’il me semble assez naturel qu’à l’âge de Maurice, et à moins d’être un Caton, l’on ait quelque amourette.

— Quoi ! mon ami, tu approuves ?…

— Je n’approuve rien, je constate un fait. Que veux-tu ! les hommes ne sont pas des anges. Il faut se résigner à ce que l’on ne peut empêcher ; or, après tout, et soit dit entre nous, amourette pour amourette, ne vaut-il pas mieux, au pis aller, qu’au lieu de tomber dans les filets de quelque ignoble courtisane, Maurice ait pour maîtresse… (voilà le gros mot lâché), ait, dis-je, pour maîtresse une belle dame riche et certainement du grand monde, puisqu’elle est baronne, et qui, du moins, aime notre fils pour lui-même et n’en veut point à son argent.

— Mais, mon ami, tu oublies donc les folles dépenses auxquelles cette femme a engagé notre fils, les achats ruineux qu’il voulait faire à ces fournisseurs que j’ai dû renvoyer ?

— Certes, je blâmerai toujours une prodigalité insensée ; mais