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Page:Sue - Les Fils de famille (1856).djvu/402

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je ne trouve rien d’extraordinaire à ce que notre fils désire, par exemple, être vêtu à la mode, tout aussi bien que son cousin Albert… puisque tous deux suivent maintenant la même carrière. La diplomatie exige une certaine tenue. Voilà ce que tu aurais dû comprendre, chère amie.

— Et ces deux chevaux de près de dix mille francs que Maurice voulait acheter ?

— C’était absurde, nous tombons d’accord sur cela. J’approuve fort ton blâme à ce sujet. Tu vois donc bien que je fais largement part au blâme de ce qui est blâmable.

— Il n’en est pas moins vrai, mon ami, que jamais Maurice n’eût songé à de pareilles dépenses, s’il n’y avait été poussé par cette maudite femme !… Crois-moi, elle lui sera fatale. Ah ! ce n’est pas pour rien qu’elle s’est jetée à la tête de mon fils, qu’elle l’a débauché.

— En vérité, ma chère Julie, tu dis, dans ta candeur, des choses inimaginables, — reprit M. Dumirail souriant à demi et haussant les épaules. — Certes, ce n’est pas pour rien que cette belle dame s’est jetée à la tête de notre fils. Elle avait, parbleu ! ses raisons…

— Hélas ! oui ; mais quelles sont-elles, ces raisons ?

— Tu me le demandes ? Elles sont cependant assez faciles à deviner, et tu me fais là des questions…

— Tu souris, mon ami, et moi, je tremble. Ah ! il y a là quelque odieux mystère. Pourquoi cette femme a-t-elle feint d’être éprise de Maurice ? Est-ce que cela est possible ? est-ce que cela est croyable ?

— Et qu’y a-t-il donc d’incroyable à ce que notre fils inspire une passion subite ? Est-ce que notre fils n’est pas assez beau garçon, assez aimable pour plaire ? — répondit M. Dumirail avec un accent de fatuité paternelle. — Pourquoi donc, après tout, n’aurait-il pas ses bonnes fortunes aussi bien que son cousin Albert ?

Puis, voyant sa femme le contempler avec une stupeur douloureuse :

— Qu’as-tu donc à me regarder ainsi ?

— Excuse-moi, mon ami !

— Achève.

— J’ai peine à croire ce que j’entends ; je me demandais si c’est bien toi, toi, mon ami, de qui la moralité a toujours été si sévère, qui parles aussi légèrement des désordres de notre fils, et qui, loin de les blâmer, sembles les encourager ? Tu parais presque glo-