Aller au contenu

Page:Sue - Les Fils de famille (1856).djvu/404

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

faits, ce me semble ; et ce désordre précoce ne t’effraye pas autant pour le présent que pour l’avenir ?

— Je n’ai pas besoin de tes observations pour trouver très-mauvais, très-inconvenant que Maurice rentre à des heures indues ou découche. Un jeune homme de son âge doit certainement jouir d’une liberté raisonnable, mais ne pas en abuser. Je dirai sévèrement à notre fils ce que je pense là-dessus, et il rentrera dans le devoir.

— Jamais il ne rentrera dans le devoir tant qu’il restera à Paris, exposé chaque jour à mille occasions de faillir…

— Mon fils écoutera ma voix, à moi, j’en réponds, — reprit M. Dumirail avec affectation, — parce que, moi, je serai indulgent sans faiblesse et sévère sans exagération.

— Je ne m’arrêterai pas, mon ami, à ce qu’il y a de blessant pour moi dans le reproche que tu m’adresses ; je me bornerai à te répéter, avec l’obstination que donne la conscience de la vérité : Si le séjour de notre fils à Paris se prolonge, il est perdu : il se trame autour de lui de noires perfidies, auxquelles notre neveu n’est pas étranger ; enfin, mon ami, je vois avec effroi ton aveuglement redoubler, lorsque tant d’événements devraient t’ouvrir les yeux sur la fausse et funeste voie où tu t’es fourvoyé depuis que tu as engagé notre fils à changer de carrière.

— Comment ! vous allez encore ?…

Mais, s’interrompant, M. Dumirail reprit d’un accent contenu :

— Tiens, ma chère Julie, de grâce, n’irritons pas cette discussion…

— C’est mon plus vif désir, mon ami ; aussi me suis-je scrupuleusement interdit toute allusion aux motifs de nos anciens discords ; mais enfin, puisqu’une triste expérience nous démontre combien le séjour de Paris est dangereux pour notre fils, ne devrions-nous pas profiter de la leçon, tâcher de le ramener à nous, et repartir au plus tôt pour le Morillon ?

— Ainsi, c’est sérieusement que tu me fais une pareille proposition ?

— Peux-tu en douter ?

— Ainsi, à mon âge, je passerai aux yeux de M. de Morainville pour une espèce d’étourneau, pour un écervelé, qui, sans l’ombre d’esprit de conduite et de décision, change d’idées du jour au lendemain, lorsqu’il s’agit d’une question aussi grave que l’avenir d’un fils ?… Quoi ! j’ai écrit à M. de Morainville de la manière la plus pressante, à propos du service que j’attendais de lui ; il t’a accueillie à merveille, te promettant, faveur inespérée,