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Page:Sue - Les Fils de famille (1856).djvu/405

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qu’avant un an, Maurice serait attaché d’ambassade, et, après tant de marques d’intérêt, j’irais maintenant, de but en blanc, dire à cet homme qui nous a témoigné un pareil bon vouloir : « Merci de vos bons offices, mon fils redeviendra cultivateur ? »

— Rien de plus simple, cependant.

— Ah !… tu trouves cela tout simple ?

— Sans doute, mon ami. En quoi M. de Morainville pourrait-il être choqué de ce revirement, surtout si tu lui exposais franchement…

— Que Maurice, à peine arrivé à Paris, a fait des sottises, n’est-ce pas ?

— L’aveu, sans doute, est pénible… mais…

— Vous me permettrez, ma chère, de prendre plus de souci de ma dignité que vous n’en prenez vous-même ; je me garderai donc, s’il vous plaît, d’aller crier sur les toits les incartades de notre fils.

— En supposant même, ce qui n’est pas, que ta dignité, ou plutôt ton amour-propre, fût légèrement atteint, qu’importerait cela auprès du salut de notre fils ?

— Vous faites, madame, par trop bon marché de ma dignité, — répond M. Dumirail s’animant de plus en plus ; vous oubliez qu’elle serait étrangement compromise aux yeux de notre fils lui-même, au grand détriment de mon autorité sur lui et du respect qu’il me doit. Ainsi j’aurais de tout mon pouvoir favorisé sa nouvelle vocation, et je l’engagerais tout à coup à y renoncer ?… Mais quelle confiance voulez-vous donc que cet enfant ait dans mon jugement ?

— N’est-ce pas, au contraire, témoigner d’un excellent jugement, que de confesser son erreur, de réparer le mal lorsqu’il en est temps encore ?… Et d’ailleurs, soyons sincères, peut-on parler sérieusement de la vocation diplomatique de Maurice ?

— En vérité, madame, vous seriez d’accord avec ma sœur, que vous ne parleriez pas autrement ! — s’écria M. Dumirail irrité ; — il me semble déjà l’entendre : « Eh bien, que t’avais-je prédit, mon frère ? Selon toi, ton fils devait réussir à tout ce qu’il entreprendrait, et débuter aussi brillamment qu’Albert dans la carrière diplomatique ? Ce n’est pas tout : ton fils, par la solidité de ses principes, par les bons exemples, par l’excellente éducation que tu lui as donnée, devait rester ferme comme un roc devant toutes les occasions de faillir ! Mais qu’arrive-t-il ? À peine à Paris, ton Maurice fait sottises sur sottises, se montre incapable de suivre sa prétendue vocation et retourne honteusement dans ses