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Page:Sue - Les Fils de famille (1856).djvu/414

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geant que sa qualité de père serait probablement un obstacle à la communication que, dans son anxiété croissante, il espérait surprendre.

Puis, voyant les deux inconnus échanger un regard de surprise, dont il devina la cause, il ajouta :

— Quoiqu’il existe une grande différence d’âge entre Maurice et moi, je suis, messieurs, intimement lié avec lui, il n’a pas de secrets pour moi ; vous pouvez donc me dire ce que vous lui diriez à lui-même.

— Monsieur, souffrez de grâce que je vous adresse une simple question, reprit l’un des deux personnages, comme s’il eût voulu subordonner la continuation de l’entretien à la réponse qu’il sollicitait : — êtes-vous instruit de ce qui s’est passé hier au soir à la Maison d’Or ?…

— Oui, monsieur, — répondit M. Dumirail commettant à regret ce mensonge, mais sentant redoubler ses angoisses en remarquant l’expression presque solennelle de la physionomie des deux inconnus, et espérant, par son affirmation, obtenir leur confidence.

Cependant il ajouta en manière de correctif :

— J’ai appris sommairement ce qui s’est passé hier au souper dont vous parlez ; mais je n’ai pas, à ce sujet, des détails très-circonstanciés.

— Votre réponse, monsieur, nous donne à penser que vous êtes peut-être l’un des témoins, que vous devez assister M. Dumirail ?

À ces mots, le père de Maurice tressaillit, frissonna ; il n’en pouvait douter, il s’agissait d’un duel. Il parvint néanmoins à dissimuler son trouble, et répondit avec un calme apparent :

— En effet, monsieur, je suis l’un des témoins de M. Maurice Dumirail ; mais, ainsi que j’ai eu l’honneur de vous le faire observer, j’ignore les détails circonstanciés de cette fâcheuse aventure.

— Voici, monsieur, ce qui s’est passé : M. Maurice Dumirail, hier au soir, soupant à la Maison d’Or, a insulté de la manière la plus grave notre ami Richard d’Otremont, qui nous a priés d’être ses témoins ; nous venions, à ce titre, nous entendre avec les témoins de M. Maurice Dumirail, afin de régler les conditions d’une rencontre malheureusement indispensable, car M. d’Otremont, étant l’offensé, ne peut ni ne veut accepter d’autre réparation qu’une réparation par les armes.

— Nous ne doutons pas, monsieur, que M. Maurice Dumirail