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Page:Sue - Les Fils de famille (1856).djvu/415

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ne soit assez galant homme pour se tenir à la disposition de notre ami, — ajouta le second inconnu ; — nous pourrons donc, en attendant votre autre témoin, qui ne peut probablement pas manquer d’arriver, jeter les bases d’un procès-verbal, spécifiant les causes de la rencontre, afin de mettre, autant que possible, notre ami, nous, votre partenaire et vous-même, monsieur, à l’abri des poursuites judiciaires dont nous, les témoins, serons aussi certainement l’objet. Puisque ce duel, en raison de l’extrême gravité de l’offense, doit forcément avoir des suites sérieuses pour l’un des deux adversaires, peut-être même pour tous les deux…

M. Dumirail sentit une sueur froide inonder son front ; cependant, parvenant à contenir son émotion, il reprit :

— Je suis aussi jaloux de l’honneur de M. Maurice Dumirail que vous devez l’être, messieurs, de l’honneur de votre ami ; cependant, je vous ferai remarquer que M. Maurice Dumirail, lorsqu’il s’est oublié jusqu’à insulter la personne de qui vous êtes les témoins, ne jouissait plus de l’usage de sa raison ; car je suis obligé de l’avouer, à mon grand regret, il est rentré ici, cette nuit, complétement ivre.

— Pardon, monsieur, — reprit l’un des témoins. — Êtes-vous chargé par M. Maurice Dumirail de faire valoir cette circonstance, qui serait, selon lui, atténuante, au point de vue de l’insulte ?

— Non, monsieur, je ne suis pas, en cela, l’organe de Maurice ; car je ne l’ai pas revu depuis qu’il s’est couché dans un état d’assoupissement complet.

— En ce cas, monsieur, je puis vous affirmer que M. Maurice Dumirail, quoique légèrement animé par le vin, possédait hier au soir pleinement sa raison, ainsi que le prouvaient les termes mêmes de l’insulte adressée à M. d’Otremont.

— Je confirme ces faits de tous points, — reprit le second témoin ; — j’assistais au souper. En un mot, monsieur, tel a été l’outrage, que, dans son indignation, M. d’Otremont, malgré son sang-froid et son parfait savoir-vivre, n’a pu s’empêcher de jeter sa serviette au visage de M. Maurice Dumirail.

— Or, et cela n’est ni possible ni même probable, si M. Maurice Dumirail, oubliant ce qu’il doit à lui-même et à la personne qu’il a offensée, refusait d’accorder la réparation qui lui est demandée, nous serions, monsieur, dans la pénible nécessité de vous déclarer que M. Richard d’Otremont se verrait, à son profond regret, obligé de se porter à des extrémités toujours ré-