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Page:Sue - Les Fils de famille (1856).djvu/443

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— Ah ! mon ami, — reprit madame Dumirail avec un sourire d’une douceur angélique, — ces chagrins sont oubliés ; l’espérance… ah ! l’espérance la mieux fondée la remplace. Comment, après la terrible scène de cette nuit, notre fils résisterait-il désormais à notre double influence, au concert de nos efforts, de notre affection, et de… ?

Mais, s’interrompant en entendant la pendule sonner deux heures après-midi, madame Dumirail ajouta :

— Deux heures… et Maurice n’est pas encore éveillé…

— S’il l’était, il serait déjà près de toi, — répondit M. Dumirail sans pouvoir dissimuler un léger embarras. — Il n’est pas étonnant qu’après son ivresse et sa crise nerveuse de cette nuit, il soit brisé de fatigue, et dorme encore ; ce sommeil prolongé ne peut être que salutaire.

— Dieu le veuille, malheureux enfant ! Si j’avais pu douter de son attachement, le désespoir déchirant dont il a été saisi en me voyant tomber à ses pieds, ses larmes, son évanouissement, m’auraient prouvé combien il m’aime encore ; c’est sur cette affection et celle qu’il te porte qu’il nous faut compter, mon ami, pour le sauver malgré lui.

— Nous le sauverons ; son cœur est resté bon, et, ainsi que tu l’as dit, notre double influence, le concert de nos efforts, auront une action décisive.

— Nous devons avant tout lui faire quitter Paris, et…

Madame Dumirail, s’interrompant de nouveau, reprit :

— Mon ami, voilà deux fois que tu regardes la pendule avec une certaine inquiétude, ce me semble ?

— Non, je t’assure, — répondit M. Dumirail en rougissant ; — c’est machinalement que mes yeux se sont portés de ce côté.

— Vraiment ?

— Vraiment… Tu disais donc, et je suis absolument de ton avis, qu’il faut, avant tout, arracher Maurice aux tentations de Paris ; seulement, nous devrons attendre, et, grâce à Dieu, ce retard ne sera pas de longue durée ; nous devrons attendre, dis-je, que ta santé te permette d’entreprendre notre voyage du Morillon.

— Ma santé ?… Ah ! mon ami, je serais mourante que je trouverais, je crois, la force de faire la route à pied, pourvu que je puisse m’appuyer sur le bras de mon fils et sur le tien ; nous pourrons donc nous mettre en route, si tu le veux, aujourd’hui même, et je…

Madame Dumirail n’acheva pas sa phrase, car elle remarqua