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Page:Sue - Les Fils de famille (1856).djvu/447

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— Du moins, croyez-le, monsieur, je conserverai de ces relations le plus cher souvenir, et, avant de nous séparer, je tiens à avouer mes torts envers vous, et à vous demander loyalement pardon.

— Monsieur, de grâce…

— Me pardonnez-vous d’avoir stupidement, injurieusement repoussé les conseils si sages que vous me donniez au Morillon, dans l’intérêt de mon fils, conseils méconnus pour le malheur de ma famille ?

— Je vous pardonne d’autant plus volontiers, monsieur, ce moment d’aberration, qu’il a toujours été, à mes yeux, l’erreur d’un homme de bien.

— Vous êtes aussi indulgent que généreux, monsieur, je ne m’en étonne pas. Croyez, du moins, qu’à l’avenir vos conseils seront suivis, et, dès aujourd’hui, mon fils quittera Paris.

— C’est à quoi, tout à l’heure encore, je l’engageais instamment. Puisse-t-il céder à nos vœux, et, en ce cas, monsieur, je vous en adjure, si vous voulez préserver Maurice de nouveaux égarements, usez de tous vos efforts, de toute votre influence pour renouer ces projets de mariage où vous voyiez d’abord, avec tant de sagacité, le gage certain du bonheur à venir de Maurice et de Jeane.

— Je partage vos regrets, monsieur, regrets tardifs, hélas ! puisque ce mariage est maintenant impossible.

— Pourquoi cela ?

— Vous me le demandez ?… — reprit M. Dumirail très-surpris ; vous ignorez donc… ?

— Quoi ?

— Jeane ne veut plus demeurer près de nous.

— Que dites-vous ? — balbutia Charles Delmare avec une angoisse involontaire, car il ne prévoyait pas encore la triste réalité. — Que dites-vous… Jeane ?

— Hier, après une discussion très-irritante avec ma femme, en présence de notre neveu San-Privato…

— Achevez.

— Jeane a déclaré ne plus vouloir habiter avec nous.

— Ne plus habiter avec vous ? — répéta Charles Delmare d’une voix altérée, — et où donc pourrait-elle aller demeurer ?

— Chez ma sœur.

— Qu’entends-je ? — s’écria Charles Delmare en frissonnant, — vous dites ?…

— Je dis que Jeane a déclaré vouloir aller demeurer chez ma sœur.