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Page:Sue - Les Fils de famille (1856).djvu/476

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— Un dernier mot, mon ami. Je t’engagerai toujours à accomplir tes véritables devoirs. Ainsi, tu dois épargner à tes parents la mortelle inquiétude où les jetterait ta disparition soudaine s’ils n’avaient aucune nouvelle de toi ; il faudra donc leur écrire.

— Noble et généreux cœur ! — dit Maurice très-ému ; — tu songes à leur épargner un chagrin, à eux qui te poursuivent des plus affreuses calomnies !

— Ton amour me venge, mon bien-aimé ; laissons-les dire. Il faudra donc, je te le répète, écrire à tes parents, d’une manière ferme mais respectueuse, que, résolu à ne pas quitter Paris, tu attendras dans la retraite le jour de ta majorité ; qu’ils ne soient donc nullement inquiets de toi, et que, seul, l’abus de leur autorité t’a obligé à cette résolution extrême…

Madame de Hansfeld fut interrompue par l’arrivée soudaine de son valet de chambre de confiance, qui, d’un air assez effaré, lui dit :

— Si je me suis permis d’entrer chez madame la baronne sans y être appelé, c’est que je viens la prévenir de quelque chose d’extraordinaire.

— De quoi s’agit-il ?

— Tout à l’heure, un monsieur âgé est entré comme un ouragan dans le vestibule, où je passais par hasard, et, s’adressant aux gens de livrée d’un air bouleversé, leur a crié : « Mon fils est ici ! ne le niez pas, je le sais ! Il a dû arriver ici quelque malheur… »

— Mon père !… dit vivement et tout bas Maurice à Antoinette avec inquiétude ; — plus de doute, c’est mon père !

— Continuez, — reprit madame de Hansfeld s’adressant à son serviteur. — Qu’a-t-on répondu à ce monsieur ?

— Nos gens restaient ébahis ; alors, je demandai à ce monsieur à qui j’avais l’honneur de parler ? Il répondit : « Je suis le père de Maurice ; il est ici, je veux le voir à l’instant et l’emmener, si le malheur que je redoute n’a pas eu lieu… » Alors, — ajouta le valet de chambre, — voyant l’animation de ce monsieur, j’ai cru devoir l’assurer que M. Maurice n’était pas ici et qu’il n’y avait pas paru depuis avant-hier.

— À merveille ! — reprit Antoinette. — Et ce monsieur s’en est allé ?

— Au contraire, madame, il s’est récrié que je le trompais, que son fils était ici et que lui ne s’en irait pas sans l’emmener. Enfin, il a ajouté qu’il voulait absolument parler à madame la baronne.