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Page:Sue - Les Fils de famille (1856).djvu/52

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recherché, soigné, comme on dit, jusqu’au bout des ongles, portait à la boutonnière de son habit une triple chaînette d’or à laquelle brillaient les insignes de plusieurs ordres étrangers.

En somme, la personne d’Albert San-Privato offrait un ensemble remarquablement attrayant.

Nous insistons sur ces détails, parce que, si puérils qu’ils semblent peut-être, ils avaient une importance dont Charles Delmare, le seul peut-être, saisit tout d’abord la portée, grâce à son esprit observateur, à sa longue expérience des hommes et des choses. En effet, placé à l’écart, au fond du salon, au moment où les San-Privato firent leur entrée, il fut d’abord frappé du contraste saisissant que présentaient l’extérieur et la physionomie des deux cousins ; car, Albert et sa mère étant arrivés à la nuit tombante et ayant aussitôt gagné leur appartement, Charles Delmare, ainsi que Jeane, les rencontrant pour la première fois, ne put d’abord que les entrevoir.

Nous le répétons, l’extérieur de la physionomie des deux cousins présentait un contraste saisissant.

Que l’on se figure Maurice Dumirail, de qui la taille dépassait cinq pieds dix pouces, taillé en hercule adulte, le visage large, mâle, ouvert, haut de couleur, hâlé par la bise, le regard franc, le sourire ingénu, l’attitude simple et dégagée, se mouvant à l’aise dans ses larges vêtements quasi campagnards ; Maurice, en un mot, représentait, au physique, l’image de la force, de la jeunesse et de la santé dans leur vigoureuse plénitude, et, au moral, l’image de la loyauté, de l’énergie, de la candeur et de l’inexpérience, de ce que l’on est convenu d’appeler les façons du monde. Que l’on se figure ainsi Maurice, et qu’on le compare à son cousin, d’une stature au-dessous de la moyenne, frêle, chétif, conséquemment très-mince, et, il faut le dire, d’une tournure remplie de grâce et de distinction ; coquet, pimpant, musqué, décoré de plusieurs ordres, ajusté avec un goût parfait, qui rehausse sa charmante figure fine, délicate et pâle, se présentant dans le salon avec l’aisance un peu hautaine de l’homme du monde accompli.

— Hélas ! combien il en est peu qui sauront préférer la simplicité rustique de l’extérieur de Maurice, sa beauté mâle et douce, à l’extérieur d’Albert San-Privato ! — pensait Charles Delmare examinant avec une attention profonde l’impression que causa sur les divers personnages réunis dans le salon l’aspect du jeune diplomate.

M. Dumirail, homme de sens et de bon jugement, incapable de prévention, trouvait son neveu le plus joli garçon du monde, lui