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Page:Sue - Les Fils de famille (1856).djvu/537

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— Ne venez-vous pas de me dire que votre mère avait trouvé hier madame Dumirail dans un état de santé des plus alarmants, presque désespéré ?

— Soit ; mais elle n’était point à l’agonie, et, en admettant même que ma tante agonise, qu’elle demande à embrasser une dernière fois Maurice, il est d’une importance capitale de ne pas accéder à ce désir.

— Encore une fois, quel inconvénient y voyez-vous ?

— Songez donc à l’impression profonde, terrible, que peut causer à Maurice la vue de sa mère mourante ! songez donc à l’effet qu’elle peut, par ses dernières paroles, produire sur lui ! aux engagements qu’elle en obtiendrait sans doute ! Je vous dis, moi, qu’il est plus que probable qu’une révolution salutaire s’opérerait dans l’esprit de ce garçon, et il ne faut pas que cela soit.

— Albert, je reconnais la justesse de tes réflexions ; j’avais étourdiment cédé à mon premier mouvement.

— L’étourderie, ma chère, est fâcheuse en affaires : vous laisserez donc complétement ignorer à Maurice l’agonie de sa mère ; vous userez même de votre influence sur lui, afin de le garder caché au delà du jour où il atteindra sa majorité, dans le cas où sa mère ne serait pas encore morte ce jour-là ; je vous tiendrai d’ailleurs au courant de sa santé.

— Il en sera, mon ami, selon ce que vous désirez.

— Quant à mon oncle Dumirail, vous vous épargnerez de nouvelles obsessions de sa part en lui répondant une lettre très-digne, très-touchante et surtout empreinte d’un caractère de sincérité irrésistible, afin de le convaincre que la retraite de Maurice vous est parfaitement inconnue. Grâce à ces mesures, nous parviendrons aux fins que nous nous proposons.

— Ainsi soit-il, Albert ! Vous êtes mon dieu et mon prophète.


XXII

Trois jours après l’entretien de San-Privato et de madame de Hansfeld, Maurice, ayant depuis la veille atteint sa majorité, sor-