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Page:Sue - Les Fils de famille (1856).djvu/550

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— Ah !… il aura été digne de sa tendresse pour moi. Aussi j’éprouve l’ardent et pieux désir de connaître les volontés suprêmes de ma mère ; mais, je t’en conjure, suspendons ce pénible entretien jusqu’à ce que tu sois un peu calmé. J’ai moi-même l’esprit tellement troublé par le chagrin, que…

— Non, non, je veux accomplir sur l’heure ce devoir sacré, mon enfant !… je veux redoubler de vénération pour celle que nous pleurons, en te montrant qu’elle a été, jusqu’à la fin, la plus éclairée, la plus tendre, la plus miséricordieuse des mères. Écoute ses dernières paroles ; écoute, et bénis-la. « Notre pauvre enfant, m’a-t-elle dit, regrettera de n’avoir pas reçu mes derniers embrassements !… Il serait là, près de mon lit, à genoux, s’il savait que je vais mourir !… »

— Oh ! oui, oui ! — murmura Maurice cédant de nouveau à l’attendrissement et entraîné, si cela se peut dire, par la force de la situation. — Ah ! si j’avais su ou seulement pu prévoir le malheur dont nous étions menacés, rien au monde, je le jure ! n’aurait pu m’empêcher d’accourir ici ; mais, hélas !… seulement, tout à l’heure, en arrivant, j’ai appris par Josette que… que…

Un sanglot étouffa la voix de Maurice, et M. Dumirail reprit :

— Jamais, mon pauvre enfant, nous n’avons douté un instant, ta mère et moi, de l’ignorance où tu étais de la gravité mortelle de sa maladie. Aussi, je te le répète, ses dernières paroles ont été empreintes d’un sentiment de céleste miséricorde. « La Providence, et je bénis ses vues, a-t-elle dit, la Providence a sans doute voulu que ma mort servît au salut de mon fils ; le chagrin qu’elle lui causera, les nouveaux devoirs qu’elle lui imposera envers toi, mon ami, envers toi dont il sera l’unique appui, l’unique consolation, sont à mes yeux les gages assurés de son retour au bien, de son invincible renoncement à ses erreurs. Notre Maurice aura vu de près l’abîme, la leçon sera aussi profitable qu’elle aura été terrible ! Il n’aura plus qu’un désir, fuir au plus tôt Paris, retourner avec toi au Morillon pour n’en plus sortir, et continuer, comme par le passé, de partager avec toi ces travaux rustiques qu’il aimait tant ! Cette vie honorablement occupée lui rendra la paix de l’âme et le contentement de soi-même… »

M. Dumirail, s’adressant à Maurice, de qui la douleur, un moment auparavant très-vive, s’amoindrissait à mesure qu’il appréciait la gravité des obstacles apportés à ses secrets desseins par le dernier vœu de sa mère, M. Dumirail ajouta :