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Page:Sue - Les Fils de famille (1856).djvu/557

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aux chevaux, et nous nous mettrons en route à l’instant même.

— Comment, mon père, tu persistes à ?…

— Je pars sur-le-champ, épargne-moi tes observations.

— Mais c’est le comble de l’imprudence… et…

— Et… — reprend M. Dumirail en jetant un regard pénétrant sur Maurice, qui baissa les yeux, — et… plutôt que de te rendre solidaire de mon imprudence, tu ne m’accompagneras pas ?…

— Mon père…

— Écoute-moi ! je te le déclare d’avance, au nom du plus simple bon sens, je n’accepte pas, je ne puis accepter, comme sincère, ton excuse de me laisser partir seul, sous le prétexte que tu crains de me voir tomber malade en route.

— Pourtant, c’est la vérité ; cette crainte seule me retient ; aussi, je suis décidé à…

— Prends garde ! — dit vivement M. Dumirail parvenant à se contenir encore et interrompant son fils. — Oh ! prends garde avant de me répondre, avant de me dire si tu consens ou non à me suivre, je t’en avertis : ta réponse sera pour moi d’une extrême gravité !

Maurice, mis, ainsi que l’on dit vulgairement, au pied du mur, sentit le moment décisif arriver. Il garda pendant quelques secondes le silence, prévoyant les conséquences de sa réponse ; son cœur se serra, il eut conscience des redoutables résultats de la détermination qu’il allait prendre ; son avenir en dépendait : il allait définitivement choisir entre la bonne ou la mauvaise voie. Ces perplexités l’agitaient, lorsque Josette entra, tenant à la main le sac de nuit de son maître, et lui dit :

— Monsieur, le fiacre est à la porte de l’hôtel.

— Allons, Maurice, — dit M. Dumirail d’une voix qui trahissait son angoisse.

Et il ajouta en se dirigeant vers la porte :

— Viens, viens, mon enfant, partons.

— Mon père, de grâce…

— Viens-tu ?… oui ou non ?

— Attendez du moins quelques jours.

— Je pars sur l’heure ; suis-moi…

— Remettez seulement cela à demain ce…

— Je ne t’accorde pas une minute de plus ! Viens-tu ?…

— Mon père !…

— Viens-tu ?… oui ou non ?…