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Page:Sue - Les Fils de famille (1856).djvu/626

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Jeane, de qui la présence d’esprit semble redoubler avec le péril, aperçoit le chapeau de Maurice accroché à une patère, le prend vivement, le donne au jeune homme, et lui dit à voix basse :

— Mets ton chapeau, marchons doucement ; du courage, du sang-froid, et nous pouvons sortir de la maison.

Jeane ouvre avec précaution la porte communiquant au palier de l’entre-sol, écoute et entend la voix et les pas des agents de police qui pénètrent dans l’appartement situé à l’étage supérieur. Elle fait signe à Maurice de la suivre, et, d’un pas rapide et léger, elle descend le petit nombre de marches qui conduisent sous la voûte de la porte cochère ; mais, là, elle aperçoit le concierge et sa femme, sortis de leur loge, s’entretenant avec M. d’Otremont. Celui-ci va s’exclamer à la vue de Jeane ; elle le prévient en lui disant :

— Mon ami, allez vite faire ouvrir la portière de votre voiture.

Richard s’éloigne précipitamment, tandis que, remarquant les regards curieux et défiants du portier, qui, frappé de la pâleur livide de Maurice, l’examine attentivement, Jeane fouille à sa poche, en tire quelques louis, les remet au concierge, et lui dit, en s’efforçant de sourire :

— Je compte sur votre discrétion ; il ne faut pas, au moins, que l’on sache que j’enlève M. Dumirail…

— Motus, ma jolie dame ! la mère Thibaut ne se doutera de rien, répond le portier, croyant, selon la prévision de Jeane, qu’il s’agit d’une intrigue amoureuse.

Et il ajoute, en empochant les louis :

— Le commissaire est monté chez la maman Thibaut. Je ne sais ce qu’il y vient faire…

Jeane et Maurice, en quelques pas, ont atteint l’angle de la rue où M. d’Otremont a fait stationner sa voiture. Ils y prennent place près de lui. Il baisse précipitamment les stores, et dit à son valet de pied :

— Chez moi, et grand train !

Richard d’Otremont, durant le trajet de la rue Monthabor à son hôtel, a été instruit par Jeane des événements de la veille et de la matinée : si criminelle que soit la tentative de faux commise par Maurice, elle est du moins explicable, envisagée comme une sorte de représaille de l’escroquerie de madame de Hansfeld ; quant aux suites fatales de la rixe de Maurice avec madame Thibaut et son fils, il n’y a eu ni préméditation, ni volonté meurtrière ; tel est le