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Page:Sue - Les Fils de famille (1856).djvu/627

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point de vue auquel Richard d’Otremont juge les faits ; et, cédant moins sans doute à la pitié que lui inspire le coupable qu’au désir de se rendre aux vœux de Jeane, il lui dit :

— Il faut sortir de Paris sur-le-champ. Dès que nous serons arrivés chez moi, j’enverrai chercher des chevaux de poste ; on les attellera à ma voiture de voyage ; vous y monterez ; je vous donnerai un domestique, homme sûr et intelligent, pour vous accompagner. Les personnes voyageant en poste n’inspirent aucune défiance, et sont rarement soumises aux demandes de passe-port. Vous gagnerez ainsi en toute sécurité, je l’espère, les montagnes du Jura, puisque vous persistez, Jeane, à vous rendre auprès de M. Delmare, tandis qu’il sera facile à Maurice de passer en Suisse, et, de là, en Allemagne.

Le conseil de M. d’Otremont fut suivi par les fugitifs, et, après les plus touchants remercîments adressés à Richard pour ses bons offices, Jeane lui dit, en réponse à l’offre d’argent qu’il lui faisait pour les frais du voyage :

— Merci, mon ami ; vous oubliez qu’il me reste une trentaine de louis ; c’est plus qu’il ne faut pour suffire aux frais de notre voyage et à ceux du retour de votre voiture, que je vous renverrai, ainsi que votre domestique, dès notre arrivée à Nantua.

Environ une heure après les événements qui s’étaient passés dans l’entre-sol de la rue Monthabor, Maurice et Jeane quittaient Paris, grâce au concours de M. d’Otremont, et prenaient la route du Jura.


XXIX

À mesure que Maurice Dumirail, en compagnie de Jeane San-Privato, s’éloignait de Paris, et qu’ainsi diminuait sa crainte des poursuites dont il devait être l’objet, les indignités de sa vie lui apparaissaient pour la première fois dans leur complète et horrible réalité ; la présence de Jeane causait en lui cette réaction morale. Jamais, d’ailleurs, au milieu de ses plus mauvais jours, Maurice n’avait perdu le souvenir de son premier amour ; aussi, se retrou-