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Page:Sue - Les Fils de famille (1856).djvu/654

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— Je ne dis pas non, mon officier ; mais en quoi ça regarde-t-il les voyageurs en poste, comme madame la marquise qui se rend auprès de madame la duchesse ?

— Ordre nous a été donné, vu le grand criminel, de demander leurs papiers à tous les voyageurs indistinctement, et comme madame la marquise est un voyageur…

— Une voyageuse, mon officier.

— C’est juste, faites excuse… Enfin, nous attendons ici la diligence qui va passer dans une demi-heure au plus tard, et il se peut bien que nous y pincions mon grand criminel. J’ai d’autant plus le droit de dire qu’il est grand, ce scélérat, que son signalement porte cinq pieds huit pouces, carrure d’Alcide forain.

— Allons, bonne chance, mon officier ! voilà nos chevaux attelés. En route, postillon ! — dit le domestique en remontant sur le siége de la voiture, qui s’éloigna rapidement laissant derrière elle les gendarmes.

Aucune des paroles du sous-officier n’avait échappé à la dévorante anxiété de Maurice. Plus de doute, la justice était à sa poursuite, et l’on soupçonnait qu’il devait chercher un refuge dans les montagnes du Jura.


XXXII

Maurice avait écouté les paroles du gendarme avec un effroi croissant, et, lorsque la voiture se fut remise en marche, il dit à Jeane :

— Il nous faut changer de route.

— Pourquoi cela ?

— Tu n’as pas entendu les gendarmes ? La police suppose que je chercherai un refuge dans les montagnes du Jura. Il serait insensé de nous rendre chez ton père, on viendrait certainement m’arrêter là. Notre seule chance de salut est de tâcher de gagner Genève.

— Et, arrivés à Genève, que ferons-nous ?