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Page:Sue - Les Mystères du peuple, tome 13.djvu/145

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— De quoi donc parler, sinon d’amour, avec cette irrésistible marquise ?

— Nous avons causé des affaires du temps.

— Peste !… voici qui me semble un peu bien politique !… Un colonel de trente ans, homme de cour par surcroît… parlant congrument des affaires du temps… avec une belle dame… aux dehors si passionnés !

— Il en fut pourtant ainsi, mon révérend… je ne songeais pas même lors de cette première entrevue à risquer le moindre mot de galanterie… tant j’étais frappé de l’esprit de la marquise… Quelle vivacité ! quel éclat ! quelle verve ! quelle fierté ! quel mépris amer déversé à flots brûlants sur la royauté, sur la noblesse française assez lâches, assez aveugles, pour se laisser imposer par une misérable assemblée d’avocats bavards, soutenus, encouragés par une vile populace… Morbleu !… j’étais pâle de mâle rage en entendant ces sarcasmes acérés, sanglants et trop mérités ; j’avais envie, Dieu me damne ! de me placer à la tête de mon régiment, d’aller faire fusiller sur l’heure tous les bourgeois des États généraux et de mettre à feu et à sang ces infâmes faubourgs de Paris !

— Ce zèle un peu rétrospectif partait d’un sentiment excellent en soi… et je ne saurais qu’applaudir cette belle Vénitienne d’avoir ainsi surexcité en vous ce sentiment… J’approuve fort les sarcasmes, les mépris de cette belle dame à l’endroit des forcenés bavards du tiers état et de l’infâme populace qui les soutient… Cependant il me paraît très-surprenant qu’une étrangère s’intéresse si chaudement à nos affaires… — ajoute le jésuite pensif. — Aussi vous avouerai-je en toute sincérité que… — Mais s’interrompant, le prêtre ajoute : — Dites-moi, comte… et les coupables ?…

— Quels coupables ?

— Ces soldats assez insolents pour battre les laquais de madame la marquise…

— Eh bien ?…