Page:Sue - Les Mystères du peuple, tome 13.djvu/290

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M. Hubert, malgré son intrépide bravoure, était frêle et de petite stature. Il avait cinquante ans, ne pouvait songer à lutter contre son jeune adversaire. Puis, enfin, il eut tardivement conscience de son grossier emportement, se calma et reprit d’une voix sourde, tremblante de colère :

— Nous nous retrouverons ! !

— Quand vous le voudrez, citoyen Hubert ! !

— De grâce, mon cher Jean, n’attachez aucune importance aux emportements de mon diable de beau-frère, il a aussi mauvaise tête qu’il a bon cœur… — reprend l’avocat Desmarais tendant la main au jeune homme. — Oubliez, je vous en supplie, sa folle incartade… il me serait trop pénible de nous quitter sous une fâcheuse impression, mon cher, mon excellent ami…

— Citoyen Desmarais, j’ai longtemps cru à votre amitié, je n’y crois plus… — répond Jean Lebrenn avec amertume et dignité, sans prendre la main que lui tendait l’avocat. — Longtemps aveugle… mes yeux se sont ouverts aujourd’hui…

— Comment !… D’où vient, mon cher Jean, votre froideur soudaine ?… Quoi ! parce que, obéissant, quoi qu’il m’en coûte, à la voix impérieuse de mes devoirs de père de famille… je vous refuse la…

— Je ne suis pas dupe du vain prétexte dont vous colorez votre refus, citoyen Desmarais… Ce n’est pas le frère de la malheureuse enfant déshonorée par Louis XV que vous repoussez… non… c’est l’artisan !

— Moi !… grand Dieu ! ! Ah ! mon cher Jean, je vous proteste… je vous jure, au nom de nos communs principes, que…

— Mais, morbleu ! beau-frère, ayez donc le courage de votre opinion, — s’écrie M. Hubert, incapable de se contenir, — osez donc répondre hardiment la vérité… Tant d’hypocrisie et de lâcheté me révolte à la fin ! !

— Encore une fois, monsieur, mêlez-vous de ce qui vous regarde ! — s’écrie l’avocat exaspéré. — Je sais ce que j’ai à faire ! !