Aller au contenu

Page:Sue - Les Mystères du peuple, tome 13.djvu/289

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

— Oui… et quoique j’aie l’honneur de parler à un membre du souverain, — reprend le financier d’un ton sardonique, — j’ai pris la liberté grande de demander au… citoyen Lebrenn, s’il était satisfait ?

— Je vous répondrai d’abord… que je ne souffrirai pas plus longtemps que vous tourniez en dérision devant moi le titre de citoyen… — dit Jean Lebrenn d’une voix forte et ferme, regardant le financier en face ; — le titre de citoyen est à mes yeux respectable… Je le ferai respecter…

— Qu’est-ce à dire ! s’écrie M. Hubert d’abord stupéfait, puis furieux de ce qu’il considérait comme une insolence de la part du jeune artisan. — Quoi !… une menace… — Et portant, dans sa colère, la main à la poignée de son épée, le chef de bataillon de la garde bourgeoise ajoute : — Une menace… à moi ! !… drôle !

— Hubert… vous êtes fou ! — s’écrie l’avocat alarmé du tour que prenait l’entretien, — personne ici… ne songe à vous menacer… mon jeune ami moins que personne…

— Il a grand raison, votre jeune ami ! car, ventrebleu ! beau-frère, je lui couperais les oreilles comme à un lièvre… à votre jeune ami ! !

— Citoyen Hubert, — répond froidement Jean Lebrenn, — le jour est venu où Jacques Bonhomme ne se laisse pas plus couper les oreilles par les aristocrates que par les bourgeois…

— Mordieu… je vais te…

— Assez de grossièretés, citoyen Hubert ! Je suis blessé à l’épaule, mais il me reste deux bras vigoureux à votre service ! — reprend Jean Lebrenn conservant son sang-froid. — Vous pouvez oublier… mais moi je n’oublie pas que nous sommes ici chez le père de mademoiselle Desmarais… Vous avez provoqué cette leçon de savoir-vivre. Recevez-la d’un enfant du peuple… — Et répondant à un nouveau geste de menace du financier, Jean Lebrenn, faisant allusion à sa robuste carrure : — Regardez-moi bien, citoyen Hubert, et vous renoncerez à une brutalité que vous payeriez cher…