Aller au contenu

Page:Sue - Les Mystères du peuple, tome 13.djvu/314

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

désormais en sûreté les précieux manuscrits : l’offre de Frantz de Gerolstein fut acceptée le soir même, et le prince déposa en un lieu sûr et secret la légende et les reliques de la famille Lebrenn.


Ici finit la première partie du récit écrit par moi, Jean Lebrenn, car, depuis le mois de juillet 1789, jusqu’au mois de décembre 1792, il ne se passa dans notre famille d’autre événement important que la perte de nos parents bien-aimés. Mon père mourut le 11 août 1789 ; ma mère ne lui survécut que peu de temps : elle expira dans nos bras le 29 octobre de la même année. Mon père, aveugle et perclus de tous ses membres, n’a pu résister aux suites funestes de sa captivité dans les cachots de la Bastille ; cette mort porta le dernier coup à ma pauvre mère, depuis si longtemps valétudinaire et minée par le chagrin.

Mademoiselle Desmarais, le surlendemain de ma dernière entrevue avec elle en présence de sa famille, m’a écrit une lettre digne et touchante. Elle m’annonçait son départ pour Lyon, où elle se rendait avec sa mère, me réitérant l’assurance qu’elle n’aurait que moi pour époux, sinon qu’elle resterait fille toute sa vie. Desmarais continue de siéger à l’extrême gauche de l’Assemblée nationale, près de Robespierre. Il a défendu Marat à la tribune et fait partie du groupe républicain dont les chefs sont Brissot, Camille Desmoulins, Condorcet et Bonneville. M. Desmarais, d’abord membre du club des Jacobins, ne les trouvant point assez patriotes et trop monarchiens, leur a plus tard préféré le club des Cordeliers, dont les principes républicains étaient hautement avoués. M. Desmarais s’est d’ailleurs toujours montré, par ses votes et par ses discours, ardemment dévoué à la révolution ; le peuple a toujours foi en lui. Il a tenu sa promesse ; je tiendrai la mienne tant qu’il servira vaillamment notre cause. J’admire son talent sans estimer son caractère. Je ne crois pas à la sincérité de ses principes. Il craint de per-