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Page:Sue - Les Mystères du peuple, tome 5.djvu/181

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Après avoir allumé le feu de la forge, le vieillard, afin de donner issue à la fumée, ouvrant la fenêtre qui donnait sur le fossé, remarqua, non sans grand étonnement, que le niveau de l’eau de ce fossé avait tellement augmenté, qu’entre elle et le soubassement de la fenêtre, il restait à peine un pied de distance. — Ah ! mes enfants, — dit-il aux apprentis, — je crains qu’il soit arrivé cette nuit un grand malheur ! Depuis nombre d’années les eaux de ce fossé n’ont jamais atteint à la hauteur où elles sont aujourd’hui, sinon lors de la rupture de la digue du lac supérieur aux étangs. Tenez, voyez de l’autre côté du fossé, l’eau s’élève presque jusqu’au soupirail de la cave creusée sous le bâtiment qui nous fait face.

— Et l’on dirait que l’eau monte toujours, père Bonaïk.

— Hélas ! oui, mes enfants, elle monte encore. Ah ! la rupture de ces digues amènera des désastres !

À ce moment, on entendit la voix de Septimine criant au dehors : — Père Bonaïk, ouvrez-moi ! ouvrez-moi ! — L’un des apprentis courut à la porte, et bientôt la Coliberte entra, soutenant une femme aux longs cheveux ruisselants, aux vêtements trempés d’eau, livide, se traînant à peine, et si défaillante, qu’à quelques pas de la porte, elle tomba évanouie entre les bras du vieil orfévre et de Septimine.

— Pauvre femme ! elle est glacée, — dit le vieillard, et s’adressant aux apprentis : — Vite, vite, enfants ! prenez du charbon dans le réduit, faites jouer le soufflet, augmentez le feu de la forge, cela réchauffera cette infortunée. Ah ! je l’avais prévu… cette inondation aura causé de grands maux !

À la voix de l’orfévre deux apprentis coururent au profond réduit pratiqué derrière la forge, et descendirent dans ce caveau pour y prendre du charbon ; les autres esclaves attisèrent le feu, firent jouer le soufflet, tandis que le vieillard s’approcha de Septimine, qui, agenouillée devant la femme évanouie, pleurait en disant : — Hélas ! mon Dieu ! elle va mourir !

— Rassure-toi, — reprit le vieillard, — les mains de cette pauvre