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Page:Sue - Les Mystères du peuple, tome 5.djvu/274

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de ton grand-père, car rien n’attire davantage les beaux yeux qu’une longue barbe blanche. Cela est si vrai, que, ce matin, à la messe, la blonde Thétralde et la brune Hildrude oubliaient l’office divin pour regarder incessamment… ton aïeul qui se trouvait à côté de toi… Allons, te voici encore à rougir. Crains-tu pas que les charmantes filles de l’empereur deviennent amoureuses d’un centenaire ?

— Laisse-moi !… tes plaisanteries me sont insupportables, — dit Vortigern avec impatience. — Je ne sais pas ce que tu veux dire.

— Oh ! que l’air de la cour est contagieux ! — s’écria Octave. — Ce jeune Breton est à peine échappé de ses bruyères, et le voici déjà non moins dissimulé qu’un vieux clerc !

Vortigern, de plus en plus embarrassé par les railleries d’Octave, balbutia quelques mots, et bientôt le vieillard, son petit-fils et le jeune Romain, montés sur d’excellents chevaux qu’ils trouvèrent gardés par des esclaves dans l’une des cours du palais, rejoignirent l’empereur.

Karloman et Louis (Hlut-wig, comme disent les Franks), arrivés le matin même du château d’Héristall, accompagnaient Karl, ainsi que cinq de ses filles et quatre de ses concubines, les autres femmes du palais impérial ne prenant pas, cette fois, le divertissement de la chasse. Parmi les chasseresses, on remarquait Imma, qui avait vaillamment porté sur son dos Éginhard, l’archichapelain. Belle encore, elle atteignait la maturité de l’âge ; puis venait Berthe, cherchant du regard Enghilbert, le bel abbé de Saint-Riquier ; ensuite Adelrude, qui, de loin, souriait à Audoin, l’un des plus hardis capitaines de l’empereur ; puis, enfin, la brune Hildrude et la blonde Thétralde, qui, toutes deux, cherchaient des yeux… le Breton centenaire, sans doute, ainsi que l’avait dit Octave à Vortigern. La plupart des seigneurs de la suite de Karl portaient de très-singuliers habits, venus à grands frais de Pavie, où le commerce apportait les richesses de l’Orient. Parmi ces courtisans, les uns étaient vêtus de tuniques teintes de pourpre tyrienne ornées de larges pèlerines,