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Page:Sue - Les Mystères du peuple, tome 5.djvu/83

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qu’il prononça, encore sous l’impression de l’horrible scène dont il avait été témoin, fut le nom de Brunehaut.

— Bon père, — dit une les femmes, — cette horrible reine a été descendue de son chameau, elle n’était plus qu’un cadavre… On l’a liée par les bras au bout des cordes que l’on avait attachées aux jambes de derrière d’un cheval fougueux, et puis on a lâché l’animal ; mais, par malheur, le supplice n’a pas duré longtemps : le cheval, dès sa première ruade, a cassé la tête de Brunehaut ; son crâne a éclaté comme une coque de noix, et sa cervelle a jailli partout.

Soudain le jeune moine laboureur dit à Loysik, en lui montrant sur le seuil de la porte une lueur causée sans doute par la réverbération d’une grande flamme lointaine :

— Mon bon père, entendez-vous ces cris éloignés ? voyez donc cette lueur !

— Cette lueur, mon enfant, est celle du bûcher, — dit la vieille ; — ces cris sont ceux des gens qui dansent joyeusement à l’entour du feu !

— Quel bûcher ? — demanda Loysik en tressaillant ; — de quel bûcher parlez-vous ?

— Quand le cheval fougueux a eu d’une bonne ruade brisé la tête de ce vieux monstre de Brunehaut, ceux qui l’avaient suivie pour la voir mourir ont demandé au roi de porter sur un bûcher les restes maudits de cette vieille louve : le roi y a consenti avant son départ, car il est parti depuis tantôt… et… mais, tenez, tenez, bon père… voyez quelle belle flamme il fait, ce bûcher ! Il est dressé là-bas sur la place, et la lueur vient jusqu’ici ; nous y voyons comme en plein jour… et ces cris… entendez-vous ? écoutez…

Et le vent du soir apporta jusqu’à Loysik ces cris poussés par la foule dans l’ivresse de sa vengeance :

— Brûlez, brûlez, vieux os de Brunehaut la maudite ! brûlez, brûlez, vieux os maudits (E) !…

Loysik alors s’écria :