Aller au contenu

Page:Sue - Les Mystères du peuple, tome 6.djvu/136

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

— dit tristement Marceline, — tu ne comprends donc pas mes paroles ? — L’idiot resta muet ; puis, remarquant la cruche que la serve venait de déposer à ses pieds, il la prit et la posa sur sa tête, en faisant signe à Marceline-aux-cheveux-d’or de monter l’escalier devant lui. — La pauvre créature tâche de me témoigner de son mieux sa reconnaissance, — pensait la jeune fille, lorsqu’elle entendit les pas de quelqu’un qui descendait les degrés de la tourelle en criant :

— Hé ! bestial ! es-tu là ?

— C’est la voix de l’un des serviteurs du roi ! — dit Marceline ; — il vient chercher Yvon ; hélas ! on va encore le tourmenter !

En effet, l’un des gens de la chambre royale parut au tournant de l’escalier, et s’adressant à l’idiot : — Allons, monte vite et suis-moi ; le seigneur roi veut s’amuser de toi, double brute !

— Le roi ? Oh ! oh ! le roi ! — s’écria Yvon d’un air triomphant en frappant joyeusement dans ses mains ; de sorte qu’ayant ainsi abandonné l’anse de la cruche qu’il portait sur sa tête, le vase, dans sa chute, se brisa aux pieds du serviteur royal, dont les jambes furent trempées d’eau jusqu’aux genoux.

— Maudit soit l’idiot ! — s’écria Marceline malgré son bon cœur. — Voilà ma cruche cassée ! ma maîtresse me battra !

Le serviteur royal, furieux d’être mouillé jusqu’aux genoux, accabla Yvon-le-Bestial de gourmades et d’injures, mais parfaitement insoucieux des injures et des gourmades, il suivit le serviteur en répétant d’un air triomphant : — Le roi ! oh ! oh ! le roi !




Ludwig, ainsi que la reine sa femme, atteignait à peine sa vingt-et-unième année. Justement surnommé le Fainéant, il paraissait aussi nonchalant qu’inepte et ennuyé. Après avoir vitupéré par la fenêtre contre les serfs, dont les clameurs l’assourdissaient, il s’était de nouveau étendu sur son lit de repos. Plusieurs de ses familiers se tenaient debout autour de lui. Il leur dit en bâillant à se décrocher