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Page:Sue - Les Mystères du peuple, tome 6.djvu/138

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continuait de rire, et criait à l’idiot : — Danse encore, bestial ; danse toujours ! tu vaux ton pesant d’or ! Je ne me suis jamais mieux diverti !

— Seigneur roi, voici la reine, — dit un des courtisans, voyant Blanche traverser la salle voisine et s’approcher de la porte. Le battant de cette porte, en se développant, atteignait presque l’angle d’une grande table couverte d’un splendide tapis d’Orient, dont les plis traînaient sur le plancher. Yvon-le-Bestial, continuant ses gambades, se rapprocha peu à peu de cette table, cachée aux yeux du roi par le dossier de son lit de repos, où il se tenait toujours étendu ; les courtisans, rangés aux abords de la porte, afin de saluer la reine, tournaient aussi le dos à cette table, sous laquelle Yvon se blottit prestement au moment où les seigneurs s’inclinèrent devant Blanche. Elle répondit à leurs saluts, et, les précédant de quelques pas, se dirigea vers Ludwig, toujours riant et criant : — Hé ! bestial ! où es-tu ? reviens donc de ce côté que je voie tes cabrioles... Es-tu soudain devenu muet, toi qui glousses, miaules et aboyes si bien ?

— Mon bien-aimé Ludwig est fort gai ce matin, — dit Blanche d’une voix caressante en s’approchant du lit de son mari. — D’où vient la joyeuseté de mon cher époux ?

— C’est cet idiot ; il ferait, je crois, rire un mort avec ses cabrioles. Hé ! bestial ! approche donc, misérable ! sinon je te fais rompre les os !

— Seigneur roi, — dit un des familiers après s’être retourné pour chercher Yvon du regard, — cette bête brute se sera sauvée au moment où l’on ouvrait la porte pour le passage de la reine.

— Qu’on le cherche ; il ne saurait être loin ! — s’écria Ludwig avec impatience et colère. — Qu’on me l’amène à l’instant !

Un des seigneurs s’empressa d’exécuter les ordres du roi, tandis que Blanche s’asseyant à ses côtés, lui disait avec un tendre sourire : — Je vais essayer, mon aimable seigneur, de vous faire patiemment attendre le retour de cet idiot, qui a le bonheur de vous récréer si fort.