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Page:Sue - Les Mystères du peuple, tome 6.djvu/28

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à une accusation d’ailleurs inutile, le comte offensé ayant pardonné ; la foule se dissipa, le vieux nautonnier, accompagné de son fils, rentra dans sa maison où Fultrade les précéda d’un air solennel et protecteur. Dès qu’il entra dans la maison, Marthe se jetant aux pieds du moine lui dit en pleurant : — Grâces à vous ! mon saint père en Dieu ! vous m’avez rendu mon mari et mon fils !

— Relève-toi, bonne femme, — répondit Fultrade ; — j’ai agi selon la charité chrétienne. Ton fils a été très-imprudent, qu’il devienne plus sage à l’avenir. — Et le chantre ajouta en se dirigeant vers l’escalier de bois qui conduisait à la chambre supérieure : — Marthe, montons là-haut avec ta fille ; j’ai à vous entretenir toutes deux de choses pieuses.

— Fultrade, — dit le vieux marinier, qui, non plus que son fils, ne semblait voir d’un bon œil le chantre en sa maison, — j’avais la justice pour moi dans cette dispute avec le comte, cependant je te remercie de ton bon vouloir. Maintenant, ma femme, tu vas, s’il te plaît, avant de t’occuper de choses pieuses, nous donner, à mon fils et à moi, un pot de cervoise, un morceau de pain et de lard, ensuite tu nous prépareras des provisions, car dans une heure nous allons en basse Seine, pour ne revenir que demain soir. — Eidiol remarqua (il s’en souvint plus tard... et trop tard) qu’à l’annonce de son départ, le chantre, en apparence impassible, n’avait pu contenir un léger tressaillement.

— Quoi, mon père, — dit tristement Anne-la-Douce au vieillard, — tu pars, et toi aussi, mon frère ?

— Nous avons un chargement à porter au petit port de Saint-Audoin, — répondit Eidiol. — Rassure-toi, mon enfant, nous serons de retour demain. — Puis s’adressant à sa femme : — Allons, bonne Marthe ; donne-nous à manger, et apprête nos provisions, le temps presse.

— Mon ami, attends un moment ; le bon père Fultrade voudrait nous entretenir Anne et moi, de choses pieuses.