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Page:Sue - Les Mystères du peuple, tome 8.djvu/142

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incapable ou indigne de régner, sous le contrôle vigilant et sévère des États-généraux, élus par la nation, je vous le dis sincèrement, sire, le peuple, à bout de déceptions, de souffrances, de désastres, de misères, respecterait votre vie, mais se choisirait un roi plus soucieux du bien public…

— Hélas ! bon père ! à quoi bon ces menaces ? Je suis un pauvre jeune homme à votre merci !

— Sire, je ne vous menace pas ; loin de moi une pareille lâcheté ! Je vous montre les choses sous leur véritable aspect : il dépend de vous de puissamment concourir au salut du pays ; vous pouvez faire bénir votre nom ; le voulez-vous ?

— Si je le veux !… Grand Dieu ! oh ! parlez, parlez, bon père… je vous obéirai comme le fils le plus respectueux ; je vous le jure sur le salut de mon âme : désormais vous serez mon seul conseiller… Parlez ; qu’ordonnez-vous ?

— Le peuple est assemblé devant le Louvre… il sait déjà la mort du maréchal de Normandie. Paraissez à la fenêtre… dites à la foule quelques bonnes paroles ; annoncez hautement vos sages résolutions ; déclarez que la cause du peuple est désormais la vôtre ; et, tenez, sire, — ajouta Marcel en ôtant son chaperon et le présentant au régent : — En gage d’alliance, de bon vouloir et de concorde, portez mon chaperon aux couleurs du parti populaire ; les habitants de Paris vous sauront gré de cette première preuve de bon accord (L).

— Donnez, donnez, — reprit vivement le jeune prince en se coiffant avec empressement du chaperon de Marcel, chaperon mi-partie rouge et bleu. — Seul, un ami comme vous, bon père, pouvait ainsi me conseiller… Ouvrez cette fenêtre, je veux parler à mon bien-aimé peuple de Paris, — ajouta le régent, s’adressant au seigneur de Norville, qui, se tenant à l’écart durant l’entretien de Marcel et du prince, s’était peu à peu rapproché de lui.

— Mahiet, — reprit à demi-voix Rufin-Brise-Pot à l’avocat pendant que le régent, se dirigeant lentement vers la fenêtre que le sire