Aller au contenu

Page:Sue - Les Mystères du peuple, tome 8.djvu/202

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

— Je serai ton fidèle compagnon jusqu’à fin, — répond le chevalier. — Nous avons joyeusement vidé plus d’une coupe ensemble, nous mourrons ensemble !

Les deux nobles, conduits par les Jacques, arrivent au milieu de l’enceinte, autour de laquelle se pressent les vassaux révoltés ; presque tous aussi avaient été témoins de l’amende honorable de Mazurec. Celui-ci, revêtu de l’armure de Gérard de Chaumontel, se tient debout, au milieu de la lice, appuyé sur sa longue épée.

— À genoux ! — dit Adam-le-Diable au sire de Nointel ; et pesant de sa forte main sur l’épaule de son seigneur, il le fait tomber agenouillé devant le vassal. — Et maintenant répète mes paroles :

— « Seigneur Jacques Bonhomme, je m’accuse et me repens humblement de m’être emporté en mauvaises paroles contre vous, lorsque cette nuit vous entraîniez pour la violenter ma noble fiancée, la belle Gloriande de Chivry… »

Les éclats de rire, les moqueries, les huées des Jacques accueillent ces mots qui rappellent au sire de Nointel la perte éternelle de son bonheur et l’outrage qu’il croit commis sur la damoiselle qu’il adore ; il s’affaisse sur lui-même, pousse un rugissement de douleur, et des larmes brûlantes tombent de ses yeux.

— M’est avis que voilà qui est assez affreux, n’est-ce pas, seigneur de Nointel ? songer que celle que l’on aimait a été forcée, — dit Guillaume Caillet. — Et puis… se voir obligé de demander à genoux pardon d’avoir voulu s’opposer à l’outrage qui désespère votre vie ! C’est rude, n’est-ce pas ?… Interroge là-dessus Mazurec-l’Agnelet ; la torture que tu subis en ce moment, il l’a subie l’an passé à tes pieds…

— Allons, dépêchons ! — reprend Adam-le-Diable, — dépêchons, noble sire ! fais amende honorable à genoux devant Jacques Bonhomme, sinon tu es écartelé sur l’heure.

Le sire de Nointel ne répond que par un nouveau rugissement de fureur en se tordant sous ses liens.