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Page:Sue - Les Mystères du peuple, tome 8.djvu/211

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adroits à l’Avocat d’armes ; celui-ci les pare en gladiateur consommé, disant avec mépris :

— Savoir si bien se servir d’une épée, et fuir piteusement à la bataille de Poitiers ! triple honte !…

En cet instant, Mahiet, par une brusque retraite de corps, évite l’épée de Conrad de Nointel, riposte vigoureusement, atteint son adversaire à l’épaule, et, à son grand étonnement, le voit soudain rouler sur le sol, raidir ses membres et rester immobile.

— Quoi ? — dit l’Avocat d’armes en baissant son épée, — mort pour si peu ?

— Mon frère, défie-toi… c’est peut-être une ruse !… — s’écrie Mazurec, à qui Gérard de Chaumontel vient enfin d’asséner un si furieux coup de bâton, qu’il se brise en éclats sur le casque de fer du vassal. — Sans ce casque, j’étais assommé. Oh ! c’est une bonne coutume pour vous, sires chevaliers, de vous battre ainsi armés contre Jacques Bonhomme demi-nu ! — dit Mazurec. Et quoique ébranlé du choc, il enfonce sa fourche jusqu’au manche dans le ventre du chevalier larron ; celui-ci tombe en blasphémant. Et Mazurec répète, à la vue de Conrad immobile sur le sol : — Mon frère, défie-toi ; c’est une ruse !

En effet, Mahiet, surpris de la chute de son adversaire, se courbait vers lui, lorsque le sire de Nointel se redresse brusquement sur son séant, se cramponne d’une main aux jambes de l’Avocat d’armes, et, tenant de son autre main une courte dague jusqu’alors cachée dans ses chausses, il tâche de percer le flanc de son ennemi, qui, saisi par les jambes, perd l’équilibre.

— Ah ! vipère ! — dit Mahiet, laissant échapper malgré lui son épée en tombant sur le corps de Conrad, dont il peut à temps maîtriser le bras, — j’avais l’œil au guet… ta mort était feinte !… — Et, arrachant la dague des mains du sire de Nointel, il la lui plonge dans la poitrine en disant : — Meurs donc, fils des Neroweg ! tu auras été traître jusqu’à la fin !…