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Page:Sue - Les Mystères du peuple, tome 8.djvu/212

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— Gérard… — murmure Conrad d’une voix agonisante, — J’ai… eu tort de forcer… la femme de ce vassal… Oh !… Gloriande… Gloriande ! !

Et le seigneur de Nointel expire au milieu des cris de joie de ses vassaux.

— Je garde cette dague au pommeau armorié du blason des Neroweg, — dit Mahiet en retirant du corps de Conrad l’arme ensanglantée ; — elle augmentera les reliques de notre famille !

À peine Mahiet s’est-il éloigné du cadavre du sire de Nointel, que ses vassaux, tant de fois victimes de sa cruauté, se précipitent dans l’arène, et, à coups de faux, de fourches, de haches, s’acharnent sur ses restes encore pantelants, et les mutilent avec une furie sauvage, tandis qu’Adam-le-Diable, aidé de deux Jacques, relevait le chevalier de Chaumontel, encore vivant quoique mortellement blessé par le coup de fourche de Mazurec.

— Donnez le sac et la corde ! — dit Adam. L’un des paysans apporte un sac dont il s’était précautionné au château de Chivry. Le corps sanglant du chevalier Gérard de Chaumontel est ensaqué ; sa tête cadavéreuse sort seule de ce linceul. Les Jacques le chargent sur leurs épaules, et se dirigent vers le pont de l’Orville.

— Rappelle-toi ma prédiction, — dit Mazurec au chevalier avec un sourire sinistre. — Il y a un an, tu me faisais noyer… je t’ai prédit que tu serais noyé !

Gérard de Chaumontel pousse des gémissements lamentables ; une terreur superstitieuse succédant à son audace, il murmure d’une voix défaillante :

— Messire saint Jacques, ayez pitié de moi… messire saint Jacques, intercédez pour moi… auprès du Seigneur Dieu et de tous ses saints… Je suis puni justement… J’avais volé la bourse de ce vassal… Seigneur… Seigneur… mon Dieu, ayez pitié de moi !

Les paysans arrivent sur le pont de l’Orville, transportant le corps du chevalier de Chaumontel, garrotté dans le sac ; il est préci-