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Page:Sue - Les Mystères du peuple, tome 8.djvu/222

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Les trois écuyers, revenant à la charge contre l’Avocat d’armes, parviennent, non sans peine, à garrotter ses jambes aussi étroitement que ses bras, après quoi le roi de Navarre leur dit :

— Placez le messire envoyé sur ce siége, près de la fenêtre ; il se tiendra assis ou debout à sa guise… Maintenant, sortez.

Resté seul avec Mahiet en proie à une fureur impuissante, le prince reprend :

— À cette heure, notre conversation peut continuer paisiblement sans que je risque de me voir interrompu par l’un de ces arguments ad hominem dont tu as tout à l’heure gratifié mon écuyer au milieu du ventre.

— Ah ! Charles-le-Mauvais, chaque jour tu t’appliques à justifier ton nom ! — s’écrie Mahiet. — Mes soupçons ne me trompaient pas ! Tu as à m’apprendre quelque infâme trahison… et tu redoutes ma colère !

Le roi de Navarre hausse les épaules avec dédain et répond :

— Vassal ! si je te faisais l’honneur de te craindre, je t’aurais déjà fait pendre… si je trahissais Marcel, je serais à Compiègne aux côtés du régent… Tu n’es pas pendu, je ne suis point à Compiègne ; donc, tu divagues !… Reprenons tranquillement notre entretien, interrompu au moment où tu me parlais des Jacques, ces honnêtes auxiliaires que Marcel m’envoyait… Eh bien, les Jacques sont venus…

— Ici ?… à Clermont ?…

— Ils sont venus ici… à Clermont.

— Quand cela ?

— Hier… au nombre de huit à dix mille.

— Où sont-ils ?

— Oh ! oh !… où ils sont ? — répond Charles-le-Mauvais avec un sourire féroce, — où ils sont ?… Embarrassante question que celle-là !… Elle fait, depuis que l’homme est homme, le désespoir de ceux qui cherchent à savoir où l’on va… en sortant de ce monde-ci…

— Qu’entends-je ?… les Jacques ?…