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Page:Sue - Les Mystères du peuple, tome 8.djvu/223

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— Ils sont… où nous serons tous !…

— Morts ! — s’écrie Mahiet frappé de stupeur et d’effroi, — morts ! massacrés ! mon Dieu !…

— Allons, calme-toi… et écoute les détails de l’aventure…

— Cet homme m’épouvante ! — dit Mahiet, le front baigné d’une sueur froide. — Est-ce un piége qu’il me tend ?

— Donc, — reprend Charles-le-Mauvais, — ils sont venus les Jacques, ces bêtes féroces qui pillent et incendient les châteaux, égorgent les seigneurs, violentent les femmes, massacrent les enfants, afin, disent ces forcenés, que la seigneurie soit anéantie dans son germe !

— Misère de Dieu ! — s’écrie Mahiet en se dressant debout malgré les liens dont ses jambes sont garrottées ; — les représailles de Jacques Bonhomme ont duré un jour… son martyre a duré des siècles !…

— Vassal ! — dit avec une hauteur souveraine le roi de Navarre en interrompant Mahiet, — les droits du conquérant sur la race conquise, les droits du seigneur sur le serf sont absolus, sont divins !… Tout vilain ou manant révolté mérite la mort !

L’Avocat d’armes tressaille, regarde fixement le roi de Navarre et lui dit : — Charles-le-Mauvais, tu ne me laisseras pas sortir vivant d’ici ; tu serais perdu si je rapportais tes paroles à Marcel !…

— Tu sortiras vivant d’ici, — répond froidement le prince ; — et en outre de mes paroles, tu rapporteras à Marcel des faits… et ces faits… les voici…

Mahiet, en proie à d’inexprimables angoisses, retombe sur son siége ; le roi de Navarre continue :

— Et d’abord, tu diras à Marcel que, si rusé qu’il soit, je n’ai point été sa dupe : les chefs de ces Jacques, qu’il m’envoyait comme auxiliaires, devaient devenir mes surveillants, et au besoin mes bourreaux… si je m’écartais de la ligne à moi tracée par cet insolent bourgeois. Je n’étais entre ses mains, m’a-t-il dit, « qu’un instrument