Aller au contenu

Page:Sue - Les Mystères du peuple, tome 8.djvu/71

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

toi aussi, Guillaume, pas de révolte partielle ! que tous les serfs de la Gaule se lèvent ensemble le même jour, au même signal, et la race seigneuriale n’aura pas de lendemain.

— Attendre, — reprit Adam-le-Diable avec une sombre impatience ; — toujours attendre !

— Et quand viendra-t-il, le signal de la révolte ? — reprit Guillaume. — D’où viendra-t-il, ce signal ?

— Il viendra de Paris, — dit Mahiet, — et ce sera bientôt.

— De Paris, — s’écrièrent les deux paysans d’un air de surprise et de doute. — Quoi ! ces Parisiens…

— Comme vous, les Parisiens sont las des outrages et des exactions des seigneurs ; comme vous, les Parisiens sont las des voleries du roi Jean et de sa cour, qui ruinent et affament le pays ; comme vous, ils sont las de la couardise de la noblesse, seule force armée du pays, qui laisse ravager la Gaule par les Anglais ; enfin, les Parisiens sont las d’avoir tenté auprès du roi prières, sacrifices, remontrances, pour obtenir de lui la réforme d’abus exécrables ; aussi les Parisiens sont-ils résolus d’en appeler aux armes contre la royauté ; la rupture de la trêve avec les Anglais, annoncée tantôt par le messager royal, hâtera sans doute l’heure de la révolte ; mais jusqu’à cette heure solennelle, patience, ou tout est perdu.

— Et ces Parisiens, — reprit Guillaume avec un redoublement d’attention, — qui les dirige ? Est-ce qu’ils ont un chef ?

— Oui, — reprit Mahiet avec enthousiasme, — le plus courageux, le plus sage, le meilleur des hommes !

— Et son nom ?

Étienne Marcel, un bourgeois, marchand de draps, prévôt des échevins de Paris ; tout le peuple est avec lui parce qu’il veut le bien et l’affranchissement du peuple… Grand nombre des bourgeois des villes communales, aujourd’hui retombées sous le pouvoir royal, aussi prêtes à se soulever, correspondent avec Marcel ; mais il sent que bourgeois et artisans commettraient une lâche et méchante action,