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Page:Sue - Les Mystères du peuple, tome 9.djvu/90

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fagot, s’il le fallait ! La voilà brûlée, cette infâme serve qui voulait commander à de nobles chefs de guerre !…

— Brûlée… pas encore, cher Gaucourt ! — dit le sire de La Trémouille ; — ne confondons point nos espérances et la réalité.

— Que voulez-vous dire ?

— Supposons que l’attente de notre ami l’évêque de Chartres soit trompée (il faut tout prévoir), supposons que, par fatalité, le conseil canonique, contrairement aux instructions de notre digne évêque, et cédant à je ne sais quelle aberration, déclare ladite Jeanne bien et dûment inspirée de Dieu…

— Impossible !… je réponds des clercs que je choisirai pour cet examen !

— Cher évêque, notre ami Gaucourt vous le dira : parfois l’on croit pouvoir répondre de ses soldats corps pour corps, et ils vous échappent complétement au moment de l’action ! il peut en être ainsi de vos clercs. Donc, admettons que le roi Charles veuille risquer in extremis de mettre à la tête de ses armées ladite Jeanne ; c’est alors que vous, Raoul de Gaucourt, vous pouvez, mieux que personne, perdre cette insolente…

— Moi ! et comment ?

— C’est fort simple. Elle n’a qu’une idée fixe, et, il faut l’avouer, celui qui lui a mis cette idée en tête jugeait parfaitement les choses ; Jeanne s’obstine à faire lever d’abord le siége d’Orléans ; elle fait dépendre de la levée de ce siége le succès de la guerre. Il faut, Gaucourt, demander au roi le commandement de la ville d’Orléans et, oubliant un instant votre dignité, consentir à servir sous les ordres de cette fille.

— Moi !… Que l’enfer me confonde si jamais, ne fût-ce que pour un jour, je consens à recevoir les ordres de cette vachère !…

— Ne soyez donc point toujours tempête et flamme, brave Gaucourt ! Songez que le gros des troupes serait de la sorte sous votre commandement immédiat. Jeanne vous donnera des ordres, vous les élude-