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Page:Sue - Les misères des enfants trouvés III (1850).djvu/101

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que leur soirée devait avoir un but plus sérieux, le poëte dut en soupirant ajourner son projet.

Après leur frugal dîner, dont les reliefs me suffirent, mes maîtres me prévinrent qu’il serait inutile de les attendre, et m’engagèrent à me coucher, ajoutant qu’ils m’éveilleraient à leur retour s’il avaient besoin de quelque chose.

Avant son départ, Robert de Mareuil m’avait ordonné d’ouvrir sa malle, son sac de nuit, et de mettre en ordre les effets qu’ils contenaient.

Cette besogne fut bientôt accomplie, car il était difficile de voir une garde-robe moins nombreuse et plus fatiguée que celle du comte Robert. Le seul objet de luxe que je trouvai dans cette espèce d’inventaire, fut un beau nécessaire à écrire, en cuir de Russie, à fermoir et à serrure d’argent, dont Robert de Mareuil possédait sans doute la clef.

En allant et venant dans cet appartement, j’observai une chose qui ne m’avait pas frappé tout d’abord.

Je remarquai dans la cloison qui séparait la chambre de mes maîtres de celle que je devais occuper, une sorte de replâtrage circulaire de six pouces environ de diamètre, et élevé de trois pieds au-dessus du plancher.

Évidemment cette muraille avait été primitivement percée pour un tuyau d’un poêle (destiné sans doute à chauffer alors la pièce où j’allais coucher) qui allait se perdre en formant un coude à travers la cheminée de la pièce voisine.

Dans cette chambre, occupée par mes maîtres, le papier de la tenture cachait ces vestiges ; mais dans la pièce où je couchais l’on n’avait pas pris soin de les dissimuler…

Il me vint alors une pensée blâmable en soi, je l’avoue, mais qu’autorisaient peut-être les craintes croissantes que m’inspiraient les étranges relations de Robert de Mareuil, et ce que j’avais pu pénétrer de ses desseins sur Régina…

En laissant, du côté de la chambre voisine, le papier de tenture qui cachait l’ancien passage du tuyau, mais en retirant de mon côté les matériaux qui l’obstruaient, je pouvais ne perdre aucune parole