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Page:Sue - Les misères des enfants trouvés III (1850).djvu/100

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aussi ce même capitaine que l’adolescent regardait comme le complice des prêts usuraires du marchand de jouets d’enfants ; en un mot, qu’il s’agissait encore du capitaine Bambochio.

Quant à la Levrasse, que je retrouvais sous le nom de M. Bonin, marchand de jouets d’enfants, alors seulement je me souvins qu’en effet l’ancien saltimbanque s’appelait Bonin, nom quelquefois inscrit sur nos affiches, mais que j’avais complétement oublié. Je m’étonnai peu du ténébreux métier qu’il faisait, sous le prétexte de vendre des jouets d’enfants ; plus tard seulement j’eus une idée complète de cette nouvelle infamie.

Quelle singulière fatalité, après tant de vicissitudes, de pérégrinations, réunissait ces trois hommes — Bamboche, — le cul-de-jatte, — et la Levrasse ?

Quelle communauté d’intérêts avait pu leur faire oublier la haine implacable dont ils devaient être animés les uns contre les autres ? Comment Bamboche avait-il pu renoncer à ses sentiments de vengeance contre la Levrasse ?

Je n’en pouvais douter, Bamboche avait été l’auteur ou le complice de bien basses, de bien coupables actions… pourtant je ne sentais pas diminuer mon attachement pour lui. Il se mêlait à cette amitié une sorte de pitié douloureuse, car j’avais été témoin des sincères velléités de retour vers le bien, auxquelles avait souvent obéi Bamboche ; je ne sais quel vague espoir me disait que mon influence sur cette nature énergique lui serait peut-être salutaire. Mon désir de le revoir était bien vif, mais j’eus assez d’empire sur moi pour ne hasarder aucune tentative de rapprochement avant d’avoir arrêté le plan de conduite que je devais tenir à l’endroit des hommes et des choses qui me semblaient importer aux intérêts de Régina.

De retour chez mes nouveaux maîtres, je rapportai au comte Robert de Mareuil la favorable réponse du marchand de jouets d’enfants ; il me parut radieux, et son ami Balthazar se livra aux démonstrations de joie les plus bruyantes et les plus excentriques. Il voulait absolument aller le soir même aux Funambules pour décerner une ovation à Basquine, qu’il admirait de confiance, car il ne l’avait jamais vue jouer ; mais Robert de Mareuil ayant rappelé à son ami